Le musée d’Allard à Montbrison : une visite immanquable dans la Loire

Il y a des musées où nous ne savons pas forcément ce que nous allons y découvrir en prenant notre billet. Le musée d’Allard en fait partie et pourtant, si vous aimez les sciences naturelles et les curiosités, vous ne serez absolument pas déçus.

En été 2020 et 2021 , je visitais la Loire et les départements voisins, visites qui ont été à l’origine de deux autres articles : La visite du cimetière d’Ambert et un article plus scientifique et historique sur les momies de Saint-Bonnet-le-Château. Et pour la rédaction de ce dernier travail de recherche, l’équipe du musée d’Allard avait été tout à fait réceptive et les réponses aux questions posées m’ont permis d’avancer sur mon travail de recherche. Ainsi, je me promettais de voir ce musée, chose faite durant l’été 2021 où le retour au musée en général était plus que salvateur pour ceux qui étaient en manque pendant cette pandémie !

Le musée d’Allard : l’histoire d’un homme à l’origine de la collection d’histoire naturelle.

Pour comprendre l’existence du musée, il faut avant tout s’intéresser à son origine. En 1769 nait Jean-Baptiste d’Allard à Montbrison dans une famille n’étant pas ce que l’on peut qualifier de pauvre à l’époque. Ayant reçu une éducation et ayant servit l’armée fédéraliste anti-révolutionnaire, c’est après de nombreux rebondissements : condamnation à mort, évasion, planque, qu’il finira par retrouver sa demeure de gentilhomme et un train de vie confortable. La construction de son hôtel particulier remonte à 1810, et il acquiert plusieurs milliers de m² qui lui permettent de finir sa vie en ces lieux où il mettra en place sa collection d’histoire naturelle et de curiosités. Sa collection est alors représentative des savoirs-faire du XVIIIe et du début XIXe siècle alors que les connaissances et sciences vont faire un bond en avant durant le XIXe siècle. Jean-Baptiste va collectionner et mettre en valeur ses acquisitions sans pour autant y apporter plus d’interrogations scientifiques que prévu. Il n’est pas de ceux qui voyagent pour ramener leurs curiosités, les siennes proviennent de ventes bien courantes dans le monde des collectionneurs à son époque. Voyager sans bouger de son fauteuil et amasser soigneusement objets, taxidermies et autres éléments de son temps. Les vendeurs se trouvent dans les capitales et les grandes villes et la connaissance de nouvelles pièces à vendre se fait par le bouche à oreille et par courrier. Animaux, végétaux, minéraux et enfin éléments humains, la collection de Jean-Baptiste d’Allard est riche et il tient à en proposer la visite à partir de 1812 dans son hôtel particulier. Pour lui, toutes ces richesses ne proviennent que d’un créateur, il croit en Dieu et cela explique aussi pourquoi il n’a pas fait une collection pour comprendre d’autres mécanismes de création. Pourtant, il a fait les choses de la bonne façon mettant chaque pièce et ses informations à l’écrit dans des volumes papier qui lui permettaient d’emmagasiner du savoir. Ainsi, le catalogue du musée intitulé “Jean-Baptiste d’Allard un chemin de curiosités…” sous-titre dans un de ses chapitres : “Un Buffon…sans l’esprit?”

Ainsi, la collection de Jean-Baptiste d’Allard se regardera en prenant en compte le contexte de sa création et l’état d’esprit de son créateur.

Une visite surprenante et riche

Après de nombreuses années à arpenter les cabinets de curiosités et collection d’histoire naturelle, celle du musée de Montbrison me semble tout à fait exceptionnelle en plusieurs points. Sa composition tout d’abord. Bien que des pièces soient en réserve, celles exposées permettent de bien comprendre toute la dimension de la collection et les différents axes. D’expérience, il n’est jamais aisé de passer d’une muséographie ou d’un fonds constitué par un propriétaire privé pour en créer un musée dans l’air du temps par la suite. La multitude d’objets et leur rassemblement dans l’esprit de l’époque avaient un sens pour Jean-Baptiste d’Allard, mais il a fallu en créer un musée par la suite et intégrer ces collections diverses dans une muséographie logiques et aux attentes modernes en termes de communication et d’esprit scientifique. Ainsi, le musée répond tout à fait à ce travail puisque l’on retrouve plusieurs salles où seront exposés des catégories d’objets.

Le sous-sol, au moment de ma visite, permet d’avoir un accès didactique : d’abord à la collection avec des informations qui permettent aux petits et aux grands de se familiariser avec l’esprit du musée ainsi que le jargon et quelques objets de voyage d’abord.

Le rez-de-chaussé quant à lui est l’endroit où sont exposées les diverses collections avec des salles dédiées à chacune. Ici, on ne sait jamais sur quoi nous allons tomber au fil de l’avancée de la visite puisque les salles équipées d’un détecteur s’allument uniquement en présence de visiteurs. C’est la surprise à chaque fois et cela rend la visite encore plus amusante.

Dans cette salle, on retrouve des vitrines anciennes qui abritent divers ouvrages.

La pièce dédiée aux animaux va présenter un ensemble tout à fait intéressant de naturalisations d’animaux classiques et exotiques ainsi qu’une chimère, élément relativement incontournable dans ce type de collection. L’atout de présenter des naturalisations en bon état avec leurs étiquettes d’origine mais dans un ensemble moderne avec des socles en plexiglas permet d’apporter la modernité et l’objectivité nécessaire à un ensemble d’objet déjà très varié tant en provenances qu’en espèces. Les collections d’oiseaux de Jean-Baptiste d’Allard sont tout à fait remarquables.

La collection animalière se compose également de quelques curiosités en lien avec la tératologie qui est déjà très présente en étude au XVIIIe pour s’intensifier au XIXe. On retrouve ainsi de façon assez logique quelques animaux considérés à l’époque comme monstrueux. Ici, pas de collection d’anatomie comparée mais bien des pièces glanées de ci de là par Jean-Baptiste d’Allard. Le travail de conservation des pièces par l’équipe du musée est vraiment à souligner car les pièces présentées sont dans un bon état de conservation, challenge pas forcément évident sur des collections d’histoire naturelle anciennes qui peuvent rapidement perdre de leur superbe.

Pour ne pas vous divulgâcher les collections, je ne mettrai pas de photos de l’ensemble du musée pour vous inviter à le visiter et à le découvrir ! J’axe mon article sur les éléments qui concernent aussi mes sujets de travaux et qui ont éveillé tout mon intérêt au cours de la visite. La salle consacrée aux curiosités humaines était une surprise de taille en venant au musée.

En effet, je n’avais pas idée qu’une salle était dédiée à ce type d’éléments. Je n’utilise pas le terme d’objet puisque les restes humains ne sont pas des objets à proprement parler même si, dans leurs usages et collections, ils le sont devenus. Quoi qu’il en soit, le musée a le mérite d’exposer des pièces tout à fait dignes d’intérêts qui reflètent également les préoccupations des collectionneurs de l’époque. La folie des momies s’était également emparée de Jean-Baptiste d’Allard puisque l’on retrouve plusieurs têtes momifiées, quelques individus mais aussi une momie de Saint-Bonnet-le-Château. Ainsi, en retrouvant aussi cette momie dans la collection, on comprend que Jean-Baptiste n’allait pas toujours chercher des ventes issues de pays lointains mais s’approvisionnait également des curiosités de sa région et de zones annexes.

Ici on retrouve quelques montages anatomiques se rapprochant d’une tentative (ou d’une volonté, je ne sais pas ce qu’il y a en réserves) de la part de Jean-Baptiste de constituer une petite collection d’anatomie comparée humaine. Parmi les momies, dont je ne mettrai pas de photos complètes par respect des restes et pour piquer la curiosités des visiteurs, on retrouve deux momies qui sont tout à fait dignes d’intérêt : la momie Boitard et une momie sans bandelettes. En fouinant bien en rentrant à la maison, j’ai pu dénicher quelques informations supplémentaires concernant la momie Boitard qui n’est pas égyptienne du tout mais qui pourrait créer l’illusion sur un œil non exercé.

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Alors, le visiteur ne saura peut-être pas reconnaître quelle momie est réellement égyptienne entre la Boitard et celle qui ne possède plus ses bandelettes. On le rappelle, jusqu’au XIXe siècle il n’était absolument pas rare d’extirper les corps de leurs bandelettes tant pour y trouver des objets que pour tenter d’analyser et de comprendre les méthodes d’embaumement des égyptiens. Cette salle met aussi en exergue quelques pièces comme la main d’un “scélérat” qui traduit cette recherche au XVIIIe et au XIXe de conserver et de naturaliser ce qui touche aux criminels. Tatouages, peaux de visages mais aussi crâne tant en phrénologie qu’en anthropométrie, ces pièces tendent à se retrouver par la suite dans quelques cabinets de curiosités. Concernant d’Allard, on ne sera pas étonnés de retrouver ce type de pièces ainsi que des crânes et, d’après le catalogue, des éléments de phrénologie également. Jean-Baptiste a connu l’émergence de cette théorie appuyée par le Docteur Gall, les deux sont contemporains l’un de l’autre. Il n’est donc pas étonnant que Jean-Baptiste d’Allard ait pu acquérir ce type de pièces.

Cette visite au musée a été l’occasion de pouvoir discuter avec l’équipe puisque nous avions déjà été en contact par email, il était très plaisant de pouvoir échanger autour de cette question des restes humains exposés en musée. Un sujet complexe dont ont retrouve énormément de colloques, débats et autres discussions scientifiques depuis quelques années en lien avec le sujet. Un musée qui a pu à certaines époques être montré du doigt lors de l’exposition de celui qui est connu sous le nom de l’Espagnol, un homme naturalisé dans les années 1820. Une pièce qui n’est plus exposée mais qui est tout de même abordée dans le catalogue sus-cité du musée pour permettre d’ouvrir la parole sur le contexte de cette naturalisation au XIXe siècle, sur les méthodes de conservation et de protection mais aussi d’étude. Cette pièce sensible n’est plus exposée, mais il est intéressant de voir que le musée n’a pas pris le parti de cacher cette histoire mais bien de l’expliciter en lien avec un discours contextualisant et scientifique.

Il vous restera a découvrir encore les étages supérieurs avec un étage où l’on peut découvrir l’exposition temporaire du moment et un autre étage très surprenant dont je vous laisse la surprise de la découverte. En bref, ce petit musée mérite la visite et qu’on s’intéresse à cette histoire locale et de façon plus générale à ce type de collections en dehors des grands musées nationaux. La visite est adaptée aux grands et aux plus petit et on trouve une petite boutique qui permet de se procurer divers ouvrages dont celui évoqué dans cet article. N’hésitez pas à visiter ce musée ! Je suis persuadée que vous en sortirez ravi(e) de votre visite. J’espère que ce billet vous a plu, on se retrouve bientôt pour le prochain article !

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