Ma visite des Catacombes de Paris

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Que serait un site web sur la thanatologie sans un article sur l’ossuaire le plus célèbre de France, ? Vous devez vous demander pourquoi je ne suis pas allée aux catacombes de Paris plus tôt. La raison est très simple, puisque je ne suis pas de Paris, et je ne viens que pour travailler. Il faut dire qu’à chaque fois que j’ai voulu y aller par le passé, cela n’était pas possible non plus. Alors que j’étais en terrain de recherche à Toulouse, au cimetière de Terre-Cabade,  j’ai été conviée chez Arte pour parler de mon dernier livre Cabinet de curiosités insolites, médicales et macabres. C’était au mois d’octobre. Ni une, ni deux, je constate que j’arrive gare Montparnasse, et il fallait que je profite de ce temps mort avant l’antenne pour visiter ce Graal taphophile.  Et je vous arrête tout de suite, si vous cherchez à lire des éléments sur les catacombes interdites, car il n’y en aura pas dans cet article, je me suis contentée de la visite classique des lieux comme le commun des mortels.

Si vous suivez mes travaux depuis longtemps, vous êtes habitués au fait que j’aborde régulièrement les grandes transitions funéraires de la fin du XVIIIe siècle et du début XIXe en France. J’en ai même fait un cours en ligne. A vrai dire, cela est normal, puisqu’il s’agit de l’époque la plus importante pour comprendre la situation funéraire actuelle en France. Alors, pourquoi les ossements des parisiens ont-ils été placés dans des immenses couloirs à plus de 20 mètres de profondeur ? Et bien c’est dans l’histoire funéraire que l’on trouve des réponses, en lien avec les nouvelles politiques hygiénistes de la fin du XVIIIe siècle. A cette occasion, l’arrêt de l’inhumation des morts sous le sol des églises est demandé, ainsi que le déplacement des cimetières hors des villes pour la salubrité des vivants. Il a fallu par conséquent statuer, et surtout trouver des solutions pour désengorger les villes des morts. Le cimetière pré réforme était le lieu d’une certaine convivialité même si cela est assez dur à croire. Je vous en dis plus dans mon livre Abécédaire des mots de la fin pour la définition du mot “cimetière”. 

 

A Paris en 1780, lorsque le mur d’une cave d’habitation s’est effondré sous le poids de la terre et des corps à proximité du cimetière des Innocents, cela a été considéré comme l’élèvement de trop. Des centaines de restes humains venaient de s’étaler sous un lieu d’habitation. De quoi horrifier la population. 

 

Il faut s’imaginer que les cimetières d’avant les réformes, étaient de grands espaces où des tombes en pleine terre s’entassaient. Rien à voir avec les cimetières de nos jours. Et dans certains cas, les corps pouvaient être stockés en ossuaires une fois la décomposition des tissus mous terminée. Ainsi, tous ces corps en décomposition constante représentaient une gène pour les habitants qui vivaient autour. L’ordre en France (mais aussi dans d’autres pays en Europe), était alors simple : il fallait mettre les morts à l’extérieur des villes.

 

A Paris, cela est étudié en optant pour une zone où personne ne vit alors : dans les carrières de Montrouge, et plus précisément de Tombe-Issoire. Dans cette zone, avant la Révolution, le métier le plus représentatif était celui de carrier. La pierre calcaire était très recherchée depuis plusieurs siècles pour les constructions dans la région. L’endroit s’avérait alors parfait pour accueillir les milliers d’ossements issus des cimetières parisiens.   Ainsi, il fallait vider et fermer les cimetières parisiens. Une tache qui n’était pas aisée et qui allait demander quelques petits ajustements logistiques pour ouvrir, ce qui sera par la suite un ossuaire municipal. Mais avant de vous parler de ma visite des catacombes actuelles, je vais vous parler de leur histoire. Car cette dernière est plutôt passionnante.

Attribué à Jakob Grimer (1526-1589). "Le cimetière et l'église des Innocents à Paris". Huile sur bois. Paris, musée Carnavalet.

Bien que ces carrières portent le nom de '"catacombes", elles n'ont pas de lien direct avec les catacombes du monde antique et paléochrétien qui ont été le lieu d'inhumation de nombreux individus. C'est un hommage pour ce qui est en réalité à Paris un ossuaire municipal.

Le transfert des corps et l'aménagement des catacombes de Paris : toute une histoire

On y pense assez rarement, mais lorsque l’on descend les 243 marches, et que l’on arpente les couloirs des catacombes, on imagine petit à petit que le transfert des ossements fut un sacré travail. En 1785, des commissions sont nommées afin d’étudier la question de l’exhumation des corps, et de leur déplacements. Ce travail de translation des corps, débute par le cimetière des Innocents puis d’autres cimetières de Paris vont s’ajouter à la liste des lieux de repos éternel déménagés entre 1785 et 1787.

Des exhumations qui se faisaient de nuit, dans des chariots funestes, escortés de prêtres, en direction de l’extérieur de la ville aux carrières de Tombe-Issoire. La commission en charge de ces évènement explique dans son rapport que “les habitants n’ont pas eu à croiser ce spectacle nocturne où le respect dû aux morts n’a pas été oublié“. Pourtant, les catacombes de cette époque n’étaient pas similaires à ce que les visiteurs ont pu découvrir à partir de leur ouverture publique au XIXe siècle. En effet, on ne rangeait pas les ossements soigneusement, on les entassait dans les anciens puits de la carrière. La commission précise aussi que les corps en cercueil et les corps en linceul se décomposaient mal. Ainsi, certains corps étaient encore bien conservés, si bien que les hommes de la commission pensaient à utiliser une couche de chaux sur les corps pour accélérer leur dessication. Il va sans dire qu’une bonne analyse funéraire ne peut décemment pas se faire sans spécialistes. Et ce sont les fossoyeurs de l’époque qui ont reconnu sur les corps en linceul la présence de “gras de cadavre“, que l’on appelle dans le jargon funéraire de l’adipocire. On retrouve le même petit problème dans un autre cimetière qui lui est un peu plus tardif, celui de Loyasse à Lyon étudié à l’époque par le Docteur Lacassagne, je vous en parlais dans mon podcast sur la Ficelle des morts de Lyon. En bref, tous les corps ne sont pas décomposés au moment du déménagement des cimetières, ce qui va donner du fil à retordre aux personnes en charge de cette lourde tâche. La commission parle même de momies “sèches” et de momies “grasses“. Par conséquent, on comprend que tous ces actes d’exhumation s’avèrent complexes pour l’époque. De plus, on n’a jamais déplacé autant de dépouilles au fil des mois. C’est une première.

En définitive, c’est en 1786 qu’il est décidé de placer les ossements de la façon dont nous la connaissons à l’heure actuelle. Ces murs bien rangés s’appellent des hagues.  Et si vous regardez bien lors de votre visite ou en photo, vous verrez que les os longs cachent derrière eux d’autres ossements. Cela est particulièrement visible sur certaines parties du parcours où les hagues sont moins hautes, et que l’on peut voir derrière.

En cette fin de XVIIIe siècle, les chargés des travaux au fond des couloirs ont pu créer des figures inventives au gré de leurs envies, à force de travailler un matériau tout à fait particulier, l’os humain. Les aménagements ont été faits également au gré de la vocation des lieux. En effet, en vue d’une future ouverture au public, c’est une réflexion touristique qui a été menée afin de pouvoir accueillir des gens, et surtout les tenir en haleine. Néanmoins, l’aspect éducatif n’était pas non plus négligé, puisqu’il était possible de se recueillir, mais également de mieux comprendre la géologie parisienne. Des légendes commencent aussi à circuler parmi ceux qui travaillent dans les entrailles de la capitale. Les “vieux” qui ont connu l’année 1777, ont pu croiser une créature légendaire d’une extraordinaire agilité, se promenant seule dans le noir au fond de ces boyaux terrestres. Voir cette dernière était considéré comme un synonyme de mort. Il n’en fallait pas plus pour que des légendes commencent à circuler, légendes toujours vivaces à voir le nombre de livres ou encore de films d’horreur abordant ce type de sujet.

Mais revenons à la terre ferme ! Il faut attendre 1809, pour que de premiers visiteurs découvrent l’endroit où ont été rangés les ossements des anciens parisiens. Il faut dire qu’avant l’ouverture officielle, quelques personnes triées sur le volet et issues de la bonne société, ont pu pénétrer dans les lieux pour se faire frissonner. Privilège de riches de l’époque.

Les premières visites des catacombes de Paris

Sans aucun doute, les visites ont rapidement attiré les vivants de la ville ou de passage.  Tout le monde veut découvrir cet endroit, des têtes couronnées au petit peuple. Il faut dire qu’aux prémices du XIXe siècle, la population s’éveille au tourisme, mais aussi à de nouvelles pratiques funéraires avec la création de cimetières monumentaux dans les villes. Les taphophiles naissent dans ce contexte – ces touristes des cimetières – et forcément, découvrir des centaines de milliers d’ossements est pour les visiteurs totalement inédit. En Europe, certains ossuaires commencent à être de véritables oeuvres d’art, en particulier les ossuaires religieux où l’on peut y voir de nombreuses expressions artistiques de la part des hommes de foi qui les ont décoré.

En revanche, tous les ossuaires n’ont pas la même fonction. On peut les retrouver dans des espaces religieux, tant au niveau de leur emplacement en espace consacré, qu’en conditions d’accès. Ici, les catacombes, bien qu’appelant les premiers visiteurs au respect des dépouilles, ne sont pas basées sur une vocation religieuse. Néanmoins, elles s’inscrivent dans une approche de la mort qui est très caractéristique de ce siècle. On interroge sa propre mortalité durant un siècle meurtrier, on se fait peur aussi en repoussant ses propres limites, et on se familiarise avec des restes humains qui servent de vecteur à toutes ces émotions. C’est très clairement une visite curieuse qui, forcément, va beaucoup attirer. Tout comme pour les expositions de momies du XIXe siècle, les vivants sont nombreux dès qu’il s’agit d’activités étranges en lien avec des dépouilles anciennes. Et puis, il y a le défi, celui de rendre ce lieu souterrain et ses milliers d’ossements accueillant pour des visiteurs.

 En 1897, alors que les catacombes se visitent de façon encadrée, un concert illégal va défrayer la chronique. Des parisiens se retrouvent aux catacombes pour écouter des musiciens, et pour se sentir un peu plus vivants avec les morts. Cet évènement qui n’était pas du tout prévu par les officiels s’est avéré être relativement mal vu… comme quoi, toutes les excentricités ne plaisaient pas forcément au cours de ce siècle si spécial dans ses us et coutumes.

Il faut dire que faire la fête avec les morts en cette fin de siècle n’a rien de surprenant. Depuis quelques années déjà à Paris, on s’amuse avec les morts à Pigalle au Cabaret du Néant, un lieu qui propose des spectacles fantomatiques, ainsi qu’un large choix de bières, servies sur des tables en forme de cercueil sous des lustres en ossements. Même le menu est complété par des jeux de mots d’un goût macabre pour pimenter la soirée en humour noir. Preuve que la fête et la mort n’étaient pas antinomiques en cette veille de XXe siècle. Les années suivantes montreront que les français ont eu raison de s’amuser si ils le pouvaient tant le reste de l’histoire sera sombre entre les guerres et autres épidémies.

En 1920, les catacombes de Paris sont ouvertes depuis plusieurs décennies. Et la visite qui se déroule le premier et troisième samedi de chaque mois est gratuite. Charge aux visiteurs d’emmener leur bougie. C’est cette année là qu’il a été soumis dans un rapport à rendre l’accès payant au prix de 1 Franc par personne.

Les statistiques dressées par le service des Carrières établissent que le chiffre moyen annuel des entrées est de 11,000. Il a semblé à l'Administration qu'un droit de 1 franc par personne ne serait pas de nature à la réduire sensiblement, la clientèle ordinaire de cette attraction étant composée en majeure partie de touristes et d'étrangers.

Rapport du conseil municipal de Paris, 1920

La visite des catacombes de nos jours.

Il est temps pour moi de refermer les pages de l’histoire des lieux pour vous parler de ma visite. Bien que j’ai été très gentiment invitée à découvrir les catacombes en visite guidée, je n’avais malheureusement pas le temps ce jour-là. J’ai donc fait une visite expresse à travers les couloirs, pressant le pas pour me retrouver dans un environnement familier : celui des ossuaires. Religieux ou communal, je les aime tous sans distinction. Ce qui été amusant, c’était de voir les réactions contrastées à l’annonce de ma visite sur les réseaux sociaux. C’est là aussi que j’ai constaté, même si je le savais, qu’on ne recherche pas tous les mêmes choses dans ce genre de lieux. J’avais pour ma part envie de profiter seule de ma découverte, sans jugement ou attente particulière. Jamais je n’ai comparé ces souterrains aux catacombes de Rome visitées un an plus tôt. Tout comme il ne me venait pas à l’esprit de comparer le site parisien avec un ossuaire suisse ou encore un ossuaire italien, ou même portugais. C’était donc sans aucun apriori que je me suis rendue sur les lieux. Pour les visiter, j’ai pris mon billet une semaine à l’avance à la billetterie en ligne. Autant vous dire que les places partent rapidement, et que le jour J j’ai fait la queue comme tout le monde. Par contre, j’étais la seule française de mon créneau, j’étais entourée que d’étrangers et ça, ça a son importance dans mes réflexions suite à cette visite. Non pas que cela m’ait étonnée, mais cela m’a rappelé…que dans plein de pays du monde, on n’a pas forcément l’occasion de rencontrer un patrimoine funéraire de ce type. Surtout avec le cimetière Montparnasse juste à coté qui peut coller à merveille pour se dégourdir les jambes, et prendre l’air suite à la visite.

Après un contrôle des sacs, je mets mon petit sac à dos devant moi comme indiqué à l’entrée afin de n’abîmer aucun crâne en me retournant dans les couloirs. La plus longue étape où monte l’excitation, est celle de la descente des marches et du parcours dans les couloirs qui mènent au Graal de la visite. Le visiteur est accompagné par un audioguide qui se met autour du cou. En amont de l’arrivée à la fameuse porte inscrite avec la phrase “Arrête, c’est ici l’empire de la mort”, des panneaux permettent aux public de contextualiser les lieux et l’histoire funéraire. Malheureusement, la géographie de ces couloirs créé des engorgements assez rapidement, dès que des visiteurs s’amassent devant des panneaux.  A vrai dire je voulais me concentrer sur les couloirs avec les ossements. Chance pour moi, j’ai été relativement seule pendant ma visite, puisque j’avais semé les visiteurs presque tous étrangers en pleine découverte d’un environnement de ce type. Je reviendrai sur ce point plus tard. J’ai trouvé les lieux impressionnants, bien plus bas de plafond que je pensais car les grands comme moi passent la visite courbés. Néanmoins, on est tenté face à tous ces ossements, à avoir le cerveau qui assimile tout cela à un ensemble harmonieux…oubliant presque que nous sommes face à des dépouilles. C’est le plus impressionnant dans la visite, c’est que l’œil s’habitue complètement à ce qu’il voit au fil des mètres de chemin. Les ossements sont dans des états variables, on sent que l’humidité et le temps sont des ennemis de taille pour ces murs de restes osseux. Point intéressant, on peut voir en certains endroits comment les hagues d’ossements cachent le reste derrière qui est tout en désordre. L’occasion de croiser d’autres ossements que des fémurs et des crânes. Par exemple en photo, un sacrum, soit-dit en passant mon os préféré. C’est bien pratique d’être grand  finalement pour voir ça même si comme je le disais, attention à la tête (ou à votre crâne, au choix). Je pense qu’une visite guidée accompagnée est imbattable en termes de qualité d’expérience, néanmoins l’audioguide est à mon sens assez bien construit pour suivre le parcours, sauf que cela créé des bouchons lorsque les gens restent statiques. J’ai trouvé qu’il manquait de panneaux ouvrant vers les perspectives d’avenir du site, les questions éthiques, et aussi tout ce qui touche  l’entretien actuel ou les recherches à venir. Quelqu’un qui connaît bien l’histoire des catacombes n’en ressortira pas forcément avec beaucoup de nouvelles informations.

Quelques remarques thanatologiques.

La plupart des cimetières de Paris qui ont été vidés suite aux lois hygiénistes sont indiqués sur des stèles gravées. Forcément, lorsque l’on travaille aussi sur de vieux os, on voit ces amoncellements comme une mine d’or scientifique. En effet, ces individus inhumés au sein de leur quartier permettraient un fabuleux travail les concernant en termes de paléopathologie par exemple. Un élément qui n’a pas échappé au scientifique Paul Broca au XIXe siècle qui a passé les derniers jours de sa vie à collecter des crânes pour les étudier. En 2012, Marina Ferrand et Gilles Thomas publiaient une enquête autour des crânes des catacombes étudiés par Broca et leur présence au sein du laboratoire d’anthropologie du musée de l’Homme. Ils s’interrogeaient à raison sur le fait que les dits-crânes prélevés n’aient pas été replacés sous terre à leur place d’origine. Mais force est de constater que les conditions de conservation de ces ossements rendent tout très complexe. En 2015, de tels travaux de recherches étaient évoqués en archéothanatologie en vue de connaître le nombre d’individus au sein de l’ossuaire. Il va sans dire que l’ensemble des ossements n’est pas très bien documenté, et que le travail est titanesque face à des conditions climatiques sous terre qui compliquent la conservation des restes. En 2023, le LAAB (Laboratoire Anthropologie, Archéologie Biologie UVSQ / Paris Saclay, effectuait une étude suite à l’effondrement d’une hague d’ossements. Cette dernière, tant paléodémographique que paléopathologique (Archeologia n°627, Les catacombes de Paris livrent leurs secrets, P. Charlier, 2023). est une approche qui pourrait être renouvelée si d’autres hagues venaient à s’effondrer, même si cela n’est pas nécessairement une bonne nouvelle en termes de conservation si des hagues s’effondrent. Pour en revenir à la visite, il serait intéressant de mieux comprendre les enjeux des travaux de rénovation qui sont en cours au sein des catacombes. En décembre 2023, un article du Figaro présentait les techniques des restaurateurs actuels pour permettre aux ossements de continuer à durer dans le temps. Un sujet abordé dans d’autres médias comme La Croix qui questionne sur l’éthique liée aux restes de ces anciens parisiens. Tous ces sujets sont intéressants sur place puisqu’ils permettent d’anticiper diverses questions que les visiteurs peuvent se poser, tout en montrant une ouverture vers l’avenir en faveur de ces défunts et du patrimoine parisien. Car l’enjeu est ici également. Alors que pendant ma visite j’étais la seule francophone de mon petit groupe, je me suis interrogée sur ce public. Car ma passion, quand je visite des lieux liés à la mort, c’est aussi de regarder et d’écouter les vivants.

Une première approche de l'ossuaire pour beaucoup

Comme je le mentionnais, j’étais la seule de mon groupe à être francophone. Autour de moi, il y avait de nombreuses nationalités, et de par leur langue, je devinais que certaines qui n’étaient pas nécessairement habituées au patrimoine funéraire en lien avec des restes humains. Pour beaucoup de visiteurs, la proximité avec le corps mort n’est pas quelque chose de récurrent dans leur quotidien ou dans leur histoire. Un état de fait que j’ai constaté lors d’un de mes nombreux périples en Sicile où, au milieu d’un groupe d’américains qui visitaient les catacombes de Palerme, l’heure était à la crainte et à la sidération. Ce qui est normal finalement.  Car on oublie souvent que ce patrimoine si sensible et particulier où l’on peut inclure les ossuaires, s’exprime dans des cultures où le rapport aux restes humains possède bien souvent une portée religieuse. Alors qu’un catholique sera probablement plus à même d’avoir déjà vu des restes humains, qu’ils soient sous forme de relique ou bien d’ossuaire au sein d’une chapelle, il ne faut pas oublier que pour beaucoup, cette approche n’est pas fondamentalement intégrée dans leurs habitudes ni touristique, ni liturgique. En bref, pour beaucoup, les catacombes de Paris font office de visite exceptionnelle tant dans sa forme, du fait d’aller en dessous de la capitale parisienne, que dans son fond, c’est-à-dire de voir peut-être pour la première fois des restes humains. Et bien que le fait de parcourir des millions d’ossements au fil de la visite puisse sembler si répétitif qu’on en oublie que l’on est entouré des corps de disparus, je suis convaincue que pour beaucoup de visiteurs, cette expérience est bouleversante. Une visite qui l’est pour tout le monde d’une certaine façon puisqu’elle est unique. Pour autant, cet engouement autour des catacombes de Paris, je le note beaucoup moins chez les parisiens eux-même. Nombreux sont ceux qui n’ont pas nécessairement un attrait de visite régulier des lieux, tant il représente ce que l’histoire de Paris a de plus vivants à travers les visages squelettisés de ses anciens. Une relation à nouer entre les vivants et les morts, peut-être est-ce cela qui manque finalement aux catacombes lors des visites et une fois ces dernières terminées : l’envie pour les locaux de renouer avec cet endroit qui, même si il est mythique, n’est pas dans le carnet de visite régulier des parisiens. En définitive, suite à ma visite, je reste persuadée que les catacombes ont encore beaucoup à offrir et beaucoup à penser ! 

 

Par conséquent, bien entendu que je vous recommande cette visite si vous avez la chance d’être à un créneau sans trop de monde. Car les catacombes de Paris restent uniques au monde, connues à l’international, à l’origine de nombreux récits et de mystères. Mais surtout, elles constituent un des seuls lieux où l’on peut se confronter à une certaine vision de la mort, elle offre à ses visiteurs l’occasion aussi de réfléchir, de faire naître ses interrogations autant sur les questions historiques, éthiques ou encore scientifiques ! 

Merci de votre lecture et à bientôt. 

 

Les ressources en ligne des catacombes de Paris dont le dossier pédagogique

Vallois H. V. Le Laboratoire Broca. In: Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, IX° Série. Tome 1, 1940. pp. 1-18.

Les catacombes de Paris par Emile Gerards, 1892

Un concert clandestin dans les catacombes de Paris, Pierre Ancery, Rétro News

Rapport du conseil municipal de la ville de Paris, 1920

Rapport sur les exhumations du cimetière et de l’église des Saints Innocents, 1789

Sur le volume et la forme du cerveau suivant les individus et suivant les races, BSAP 1861, 2 : 139-204 & 301-321 – Sur la capacité des crânes parisiens des diverses époques, BSAP 1862, 3 : 102-116

Les catacombes de Paris, Gilles Thomas, 2017

ROBIN, Sylvie. L’ossuaire municipal des Catacombes de Paris, source imprécise et fragile de l’histoire funéraire parisienne In : Les sources du funéraire en France à l’époque contemporaine [en ligne]. Avignon : Éditions Universitaires d’Avignon, 2015 (généré le 14 janvier 2024). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/eua/5037>. ISBN : 979-10-365-8970-6. DOI : https://doi.org/10.4000/books.eua.5037.
 
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