J’ai testé pour vous l’exposition “Toutankhamon à la découverte du pharaon oublié” à Lyon

La recette est toujours annonciatrice d’un carton plein lorsqu’il est question d’associer le nom de Toutankhamon à une exposition d’objets véritables ou factices. Avec l’arrivée de l’exposition “Toutankhamon à la découverte du pharaon oublié” à Lyon, cela a été l’occasion d’expérimenter ce que l’on appelle une “visite immersive”. Mais attention, dans l’exposition que je vous présente dans cet article, on ne parle pas d’objets véritables mais de copies. Alors… est-ce que ça reste sympa malgré tout ? Je vous emmène avec moi  en visite pour argumenter mon propos.  Cet article est un article non sponsorisé, autrement dit mon retour d’expérience est complètement objectif.

Toutankhamon : de l’or dans sa tombe et…dans les caisses des musées

1,2 millions de visiteurs en 1967 au Petit palais à Paris, plus de 1.3 millions à La Villette en 2019, les vrais objets du jeune pharaon au destin post-mortem incroyable fascinent les français. En réalité, ils fascinent le monde entier. 100 après la découverte de la tombe, les trésors n’ont pas pris une ride et l’histoire de cette aventure non plus. Et si elle tend à être moins édulcorée au fil du temps sur certains aspects, elles fait toujours rêver et ouvre la voie à de nouvelles vocations et passions.

L’exposition immersive proposée à Lyon nous vient de Belgique, et plus précisément de l’entreprise Tempora. Comme je l’indiquais, on n’y trouve pas de réels objets mais des reproductions sorties des ateliers du Musée du Caire sous le contrôle du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes. Si cela peut en refroidir certains, je reste assez favorable aux présentations de reproductions à condition que le discours associé soit bien ficelé. D’où l’intérêt de découvrir cette exposition pour ma part.  Je trouvais en revanche qu’en amont de la visite, l’idée que le public découvrirait des reproductions n’était pas assez mise en avant. Stratégie publicitaire ?

A Lyon, l’exposition immersive tombe l’année du bicentenaire du déchiffrement de la pierre de Rosette par Champollion, et l’année du centenaire de la découverte du tombeau par Howard Carter. Il est fort probable que, malgré des prix allant de 11 à 17 €, le public soit au rendez-vous malgré tout. Et ce mardi matin de visite, au premier créneau du jour, il y avait déjà pas mal de visiteurs en excluant les scolaires venus en groupe. Autant j’ai pu voir des expositions à plus de 20 € l’entrée à Paris, autant à Lyon, de mémoire un tarif à plus de 15 € reste assez inhabituel. Mais je pense que cela ne sera pas nécessairement un frein pour un public curieux.

Une exposition en plusieurs temps

Cette exposition se divise en plusieurs parties, et la première se concentre sur la présentation des personnages importants de l’histoire de la découverte, à savoir Howard Carter et Lord Carnarvon le mécène de ces fouilles historiques. Nous étions deux à visiter cette exposition : ma soeur aînée, qui n’est pas forcément adepte d’histoire ancienne, et moi qui à l’inverse passe mon temps dans la poussière des vieux bouquins. Et pourtant, cette visite était son idée,  preuve que le sujet et la promesse d’une visite immersive peut toucher un grand public. Et justement, c’était intéressant d’y aller avec une personne qui n’est pas familière de l’histoire du pharaon pour avoir son avis de visiteuse.

Au regard des critiques qui ont pu être faites au fil du temps concernant les manquements et problèmes politiques liés aux fouilles, on ne retrouve pas de contenu engagé, c’est vraiment une immersion dans une “belle histoire”. L’exposition s’écoute, se lit et se vit et elle débute sur le pont d’un bateau de croisière des années 20 du type Steam Ship Sudan. Il y a un côté assez amusant de vivre l’expérience d’une immersion de ce type. Dans mon cas, c’était la première fois. L’exposition relate, tant dans l’audioguide qu’en cartels le récit de la découverte telle que nous la connaissons en général. Il n’y pas de réel parti pris. L’objectif de l’exposition, cette dernière veut initier le public à une histoire qu’il connaît souvent en surface et moins en détails.

J’ai beaucoup aimé le fait que le travail de dessinateur de Howard Carter soit bien expliqué, puisque ce dernier n’a pas débuté en égyptologie par des voies classiques mais bien par le biais du dessin. Et oui, comment immortaliser toutes ces découvertes en Égypte au début du siècle ? Tout simplement en les dessinant.  Il a donc été familiarisé très tôt dans sa vie à cette passion pour l’Égypte symptomatique de son époque.

Autre personnage majeur de l’histoire, le mécène Lord Carnarvon qui a été à l’origine du financement des diverses campagnes de fouilles en Égypte. On découvre comment ce petit monde venu d’Angleterre s’est retrouvé à fouiller en Egypte. J’aurai apprécié un peu plus de contextualisation sur la situation politique en Égypte expliquant pourquoi c’était la guerre des chantiers dans la vallées des Rois à l’époque en question entre toutes les nationalités présentes.  Mais j’en ai bien conscience, le sujet est parfois compliqué pour le public et glissant pour les organisateurs de l’exposition. 

Immersion dans le tombeau

Suite à cette première partie axée sur les personnages de cette histoire et les lieux de découverte, on s’attaque à la découverte de la tombe. C’est le moment excitant de la visite car on a tous envie de revivre un peu ce moment incroyable de l’histoire. Et pour le coup, j’ai trouvé ça bien fait, on découvre plusieurs scènes grandeur nature liées à l’ouverture du tombeau. Il y a également une bonne vidéo explicative sur les étapes d’ouverture de la chambre funéraire.

Même en étant habituée à l’histoire de la découverte, j’ai quand même ressenti une pointe d’excitation à ce moment de l’exposition, j’ai lâché mon regard d’observatrice pour jouer le jeu. Et j’ai passé un super moment. On retrouve différentes scènes qui ont été recrées en adéquation avec les images d’archives que nous possédons de la découverte. A l’époque, un certain Harry Burton travaillant pour le Metropolitan Museum of Art a couvert la découverte de 1922 à 1932. Ses clichés sont devenus mondialement connus et tout le monde en a déjà vu un au cours de sa vie sans le savoir. Pour les prendre, un système d’éclairage a été mis en place à l’époque dans les diverses chambres et antichambres pour permettre d’immortaliser la découverte.

Ce que j’ai beaucoup aimé dans l’exposition c’est tout d’abord l’ambiance sonore mais également les jeux de lumière. Ces dernières ne facilitent pas forcément la prise de cliché si votre appareil est sensible à certaines couleurs plus que d’autres, mais j’ai pris plaisir à immortaliser ma visite. En fait, le temps passe très vite dans l’exposition entre l’audioguide, les panneaux, les scènes grandeur nature et les vidéos, on a vraiment de quoi faire pour vivre ce voyage dans le temps.

Les scènes avec le sarcophage restent tout de même les plus attendues par le grand public. Il faut s’imaginer que certaines personne n’ont peut-être jamais vu de sarcophage de leur vie.  Le fait de présenter de faux objets permet une première approche du sujet et cela n’est, à mon sens, absolument pas antinomique pour provoquer un véritable intérêt pour l’archéologie et l’égyptologie, bien au contraire. Beaucoup d’entre nous ont été passionnés d’Egypte à travers des livres sans avoir vu d’artefacts pour de vrai, l’idée d’en voir des faux n’est pas si différente pour une première approche. L’atout est de pouvoir se figurer leur taille et leur disposition en comparaison avec les images d’archives. C’est en cela que l’exposition se veut immersive aussi.

 

Le sarcophage dans la chambre est présenté deux fois. Une fois sous sa forme “rangée” où le spectateur peut contempler la copie du sarcophage et les copies des peintures. La seconde est celle en cours de fouille avec le système de treuil et cordages qui a été mis en place pour soulever les divers sarcophages. C’est intéressant de prendre conscience de la taille de ce dispositif que l’on voit aussi sur les clichés de Harry Burton.  On explique bien au public ce qui a été mis en place pour fouiller petit à petit la tombe. En revanche, mais je ne sais pas si cela était explicité dans l’audioguide, il n’y a aucun détail sur les problèmes  liés à la momie, en particulier à propos de certains dommages irréversibles qui lui ont été causés à l’époque par manque de connaissances.

J’ai trouvé que c’était une partie très réussie de l’exposition !

A la découverte des objets d’accompagnement

La partie suivante met l’accent sur les objets d’accompagnement mais aussi sur les aliments par exemple qui accompagnaient le mort. On explicite les raisons d’une telle préparation du défunt dans la pensée égyptienne antique. C’est une partie qui reste intéressante même si certains éléments reconstitués semblaient un peu combler le vide à certains endroits, comme par exemple de fausses dattes ou des graines de céréales en vitrine. Néanmoins, les objets sont pour certains très bien faits comme le char royal ou encore les armes qui ont été trouvées dans la tombe. En revanche, j’ai trouvé que les copies d’objets en albâtre n’étaient pas toujours fines.  Les pots à onguents n’étaient pas forcément très délicats. Mais cela est compréhensible tant l’albâtre est une matière noble difficile à reproduire. L’idée reste de proposer un objet en trois dimensions au visiteur pour se rendre compte de la taille ou des détails.  En cela, peut-être que mon œil a été “pollué” par mon travail du quotidien à force de travailler en archéologie alors qu’un visiteur ayant un œil différent n’aurait peut-être pas le même avis. Ma sœur par exemple ne voyait pas le problème puisqu’elle n’avait pas forcément connaissance des objets d’origine. D’où l’importance de prendre en considération l’avis des visiteurs qui n’ont pas forcément cet œil et qui, par conséquent, vivront l’exposition plus intensément.

C’est peut-être aussi la limite d’une exposition de reproduction, tout ne peut pas être une copie parfaite. Je pense que certains éléments peuvent nous sortir du récit, parce que justement on voit quelques traces de manufacture contemporaine (traces de pinceau, détails moins fins etc). C’est ce qui m’a peut-être dérangé, c’est-à-dire que l’on a une part de nous qui est dans l’immersion, et parfois, face à certaines copies, on sort de cet état de fascination pour se rappeler qu’on est face à des reproductions qui ont leur limite.  Je ne sais pas si d’autres visiteurs ont eu ce sentiment mais encore une fois je pense que mon regard est biaisé aussi par le fait que j’ai pu voir différents objets directement au Caire il y a une vingtaine d’années. Mais dans l’ensemble, cela n’entache pas la visite, c’est un détail. J’ai trouvé que dans l’ensemble total de l’exposition, la majeure partie des objets présentés étaient convaincants.

Pour cette partie, j’aurai peut-être apprécié davantage d’explications sur la pensée égyptienne et sur le rapport à la mort, plus d’explications écrites ou visuelles sur les raisons d’une telle préparation pour les morts de haut rang en cartel.

La famille de Toutankhamon et quelques interrogations

La partie suivante concerne le pharaon et surtout son environnement familial. La complexité du règne de Akhenaton est bien expliqué. En effet, le pharaon a drastiquement changé les cultes de son époque en imposant le culte  au dieu Aton. Cela a été à l’origine d’un grand bouleversement au regard des pratiques de l’Égypte à cette époque. Par conséquent, on comprend que Toutankhamon est arrivé au pouvoir lors d’une transition difficile et sensible suite au règne de son père.

C’est là que l’exposition m’a interrogé quant aux éléments de recherche toujours en cours sur les chronologies et généalogies de cette XVIIIe dynastie. Certaines questions ne font pas forcément consensus et l’exposition tranche pour certaines théories plutôt que d’autres. Cela est particulièrement visible lors de la présentation de l’arbre généalogique de fin d’exposition où la momie de la Younger Lady de la tombe KV35 est explicitement nommée “Nefertiti” et liée à Toutankhamon comme étant sa mère. Je ne suis pas spécialiste de ces questions, mais je pensais qu’il y aurait plus de prudence sur la présentation des ascendances et descendances en particulier pour celles où il y a encore débat. Et ce débat existe toujours il me semble autour de cette fameuse momie du KV35 et du lien d’une part entre elle et Toutankhamon, son identité, et d’autres part autour du lien plus général entre Nefertiti et ce dernier. On est donc sur un sujet particulièrement brûlant entre égyptologues et qui est toujours très vif.

Par conséquent, la figure de Nefertiti est très présente en dernière partie d’exposition. Un peu comme si il fallait mettre plusieurs figures “connues” pour capter l’intérêt du grand public alors que d’autres éléments concernant Toutankhamon restent traités de façon assez superficielles à mon goût comme les études scientifiques approfondies, ou encore le traitement médiatique de la découverte. Néanmoins, on apprend beaucoup de choses sur les techniques de sculpture, de proportion également dans les travaux sculptés des anciens égyptiens et cette partie là est intéressante. Pour se faire, le buste de Nefertiti polychrome est souvent utilisé comme exemple. Le buste est lui aussi au cœur d’une controverse depuis 2009 qui oppose ceux qui pensent qu’il est authentique et ceux qui pensent qu’il est faux. En bref, cette partie de l’histoire égyptienne ancienne est particulièrement glissante ! Cela outrepasse les questions des visiteurs qui ne le savent pas, ou même des gens comme moi qui le savent, mais qui préfèrent laisser les spécialistes débattre entre eux jusqu’à ce qu’il y ait un consensus scientifique.

En revanche, cette partie de l’exposition m’a plu en termes visuels car j’ai trouvé les artefacts très bien faits, et j’ai beaucoup aimé la reproduction d’un atelier de sculpture avec l’ambiance sonore, c’était très chouette et immersif. Surtout qu’il y a eu de véritables changements artistiques au cours de la période dite Armarnienne sous Akhenaton.

 

 

La partie sur la momie

J’attendais évidemment avec impatience la partie sur la momie pour voir comment l’exposition a choisi de l’aborder. Plusieurs fois au cours de la visite, on peut découvrir des photos d’autres momies des fouilles de la vallée des rois. Mais la partie qui concerne le jeune pharaon se concentre sur les sarcophages et objets en lien avec sa momification. C’est très sobre et la momie est présentée sous sa forme bandelettée ce qui fait qu’on ne voit rien qui représente le corps du défunt.

J’ai trouvé cette momie très belle ainsi que ses ornements, c’était un plaisir de pouvoir l’observer de près surtout lorsque l’on s’intéresse à la place des fausses momies en musées. J’ai trouvé que cette dernière faisait très bien son travail.

Dans une autre vitrine, la momification est explicitée avec des copies d’outils, des pochons de natron et puis les vases canopes. Dans cette même salle se trouve une proposition de reconstruction faciale sur la base d’un travail de sculpture. Malheureusement il n’y a pas de cartel à lire à ce propos ce qui rend la présence de ces bustes un peu anecdotique à mon sens.

 

La dernière salle et la conclusion

La dernière salle est à mon sens la moins poussée et la plus brouillon. On est dans un espace exigu avec deux arbres généalogiques sur les murs, un écran avec des égyptologues qui interviennent un peu sur les études scientifiques de la momie, et dans un petit coin près de la sortie la copie du fameux masque funéraire qui fait presque figure d’objet anecdotique, alors que c’est la pièce du trésor que tout le monde connaît.

La visite aura duré 1h30 pour nous, ce qui est très conséquent et qui est passé vite. Nous avons passé un bon moment et malgré les points soulevés dans l’article, le voyage dans le temps a plutôt bien fonctionné chez moi même si je regrette la descente un peu rude de la salle de fin où on ne comprend plus trop la muséographie. J’aurai aimé une sortie en douceur aussi agréable que l’entrée de l’exposition. Néanmoins, il n’y a aucun doute que cette exposition itinérante a été longue à concevoir tant dans son discours que pour ses objets. J’aurai adoré avoir un coin dédié aux artistes du Caire pour qu’on puisse comprendre leur travail, les mettre en lumière car ils ont fait un job impressionnant. Idem pour les aspects scientifiques de conception de l’exposition, j’ai toutes les difficultés à trouver qui compose le comité scientifique. Il n’y a pas de contenu autour de l’éthique non plus ou encore pour expliquer pourquoi cette exposition de reproduction a été mise sur pieds. Cela m’aurait beaucoup intéressée de connaître les arguments de l’équipe qui l’a conçue.  Idem pour le traitement journalistique de la découverte, un élément non négligeable puisque de là et des exclusivités données par l’équipe de fouilles à certains médias sont nées les rumeurs et histoires de malédiction. Cela aurait été intéressant de le comprendre pour voir en quoi l’engouement médiatique a participé à la renommée du pharaon. Si cela vous intéresse, je suis intervenue dans le documentaire Toutankhamon du trésor à la malédiction pour expliquer ces éléments en Octobre 2022.

En bref, c’est une exposition qui a un certain coût il est vrai, en revanche, il est certain que c’est plus agréable si il n’y a pas trop de monde, car j’imagine que l’on peut facilement se marcher dessus en période d’affluence. Ce n’était pas mon cas et je pense que cela explique pourquoi l’expérience était positive en comparaison avec des visiteurs qui ont expérimenté un bain de foule. C’était ma première expérience d’exposition de copies et je pense que ça peut vraiment aider à créer des passions  ou vocations.  De plus, ça peut être une très bonne porte d’entrée pour s’intéresser à l’égyptologie. Il y a quelque chose à creuser du côté des artistes qui fabriquent des pièces, je pense qu’il y a du potentiel de ce côté même pour d’autres types d’exposition. Je ne sais pas si je réitèrerai l’expérience un jour, il faudrait vraiment que le sujet m’intéresse beaucoup en archéologie pour que ce soit le cas. Il faut voir ce type d’expositions immersives comme si on entrait dans un film sans attendre la même chose qu’un contenu muséal. Il est certain qu’à ce prix là, une sortie dans de vrais musées lyonnais s’avère moins onéreuses et vous pourrez aussi y voir des artéfacts égyptiens comme à la Confluence ou au Musée des Beaux-Arts.

 

Translate »
error: Ces données sont protégées.