Franciser un hashtag pour valoriser le patrimoine : #Creepiestobject VS #ObjetLePlusEffrayant

Mots clé : #Creepiestobject, #ObjetLePlusEffrayant, communication muséale, culture, musées, collections muséales humaines, restes humains.

En Avril 2020, nos amis conservateurs de musées anglophones ont lancé un sur hashtag permettant de mettre en avant des objets étranges conservés dans les collections. Tout d’abord, pour remettre en contexte, un hashtag intervient sur plusieurs réseaux sociaux mais ici ce sera le cas pour Twitter puisqu’un nombre impressionnant de musées, de chercheurs et de personnes travaillant dans le domaine de la culture et du patrimoine y gravitent. C’est donc un formidable outil de veille mais aussi de fun puisque les musées rivalisent d’ingéniosité pour nous distraire et faire connaître leurs petits trésors.

C’est une initiative anglophone née sous le hashtag #CreepiestObject dans le cadre de ce qui est nommé #Curratorbattle qui est une compétition gentille et instructive de conservateurs pour mettre en avant leurs collections en ce temps de confinement.

Et c’est avec plaisir que j’ai pu constater quelques participations de la part de musées mais aussi de particuliers ou encore de professionnels du patrimoine pour nous montrer, et nous parler de ce qu’ils ont d’étrange et d’inhabituel dans leurs collections. Il n’y a pas à dire que l’accessibilité en ligne de collections aide les musées mais aussi les curieux à en apprendre plus sur de nombreux objets inventoriés et répertoriés ! Pour la petite histoire, j’ai pu il y a quelques années me faire la main sur de l’inventaire avec pour objectif des mises en ligne (pour ma part sur Joconde) et c’était un exercice très intéressant car, en plus de reprendre les anciens inventaires, nous pouvons apporter une expertise supplémentaire pour chaque objet (matériaux, description, datation) mais aussi faire de l’analyse de symboles selon les périodes afin d’agrémenter la mise en ligne de photos sous tous les angles de chaque objet. Un travail long dont les fruits sont vraiment passionnants lorsque l’on se promène sur les plateformes dédiées.

Face à un hashtag en langue anglaise, on m’a suggéré l’idée de le franciser pour cette semaine dédiée aux objets qui peuvent avoir un aspect effrayant et c’est ainsi que j’ai proposé #ObjetLePlusEffrayant.

Sans surprise, ce sont les objets en lien avec les restes humains et l’histoire de la médecine qui ont été montrés sous ce hashtag et cela est tout à fait légitime car pour beaucoup, les restes humains et objets associés peuvent être effrayants. D’où le fait que j’expliquais qu’on ne pouvait pas décemment appeler les musées d’anatomie et conservatoires “Musées des horreurs” dans cet article :

Car je le rappelle, dans le Code Civil est bien mentionné :

Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation doivent être traités avec respect, dignité et décence.

Article 16-1-1 du Code civil

Ainsi, comme précisé dans divers de mes articles, la part de restes humains dans les musées en termes de restes humains se subdivise en catégories comme cela peut être constaté dans le Vade-Mecum de l’OCIM sur le sujet :

  • Archéologie
  • Anthropologie et Anatomie
  • Ethnologie
  • Égyptologie
  • Reliques chrétiennes
  • Reliques Laïques
Lien pour accéder à la page d’achat de l’ouvrage sur l’image

Ainsi, les restes humains ne peuvent pas être réellement appelés “objets” mais pour le challenge sur Twitter, la différence n’était pas si importante puisque l’idée était bien de faire découvrir des aspects originaux de diverses collections et lieux. Les ossements sont eux aussi protégés et intégrés à des collections et ce peu importe leur forme (conservation, ostéologie, formol, écorchés, plastinations). Le sujet des restes humains est très sensible dans le milieu de la conservation muséale et patrimoniale, néanmoins, un inventaire de ces derniers clair et accessible peut permettre une meilleure traçabilité et ainsi de lutter contre leur perte, leur mauvaise conservation éventuelle ou tout simplement la revente. Car tout objet non répertorié et encore moins accessible au public est à mon sens plus susceptible de disparaître et tout ce qui touche au corps est concerné.

Pour en revenir au hashtag, voici quelques participations notables ! Pour ma part j’ai présenté des pièces dans le tweet initial sous forme de mannequins un peu dérangeants ou bien d’éléments humains conservés. Les mannequins, malgré leur côté suranné, ont l’avantage tout de même de mettre en situation des éléments pour les visiteurs, et même si leur forme évolue actuellement grâce à de nombreux procédés (écrans, panneaux de carton stylisés ou projections visuelles sur les murs) ils restent parfois emblématiques d’endroits que les visiteurs ont pu parcourir.

Bibracte nous offre un exemple qui plaisait bien aux plus petits mais qui était lui-même un peu daté ! Pour autant, il est certain que ce mannequin, la tête coupée à la main habillé de son tissu si typique et de son torque permettait d’avoir un bon aperçu de ce qui pouvait se faire à l’époque ! L’idée du Hashtag est aussi de s’amuser, et d’avoir un regard bienveillant sur certaines muséo et certaines conservations qui semblent datées avec l’évolution des modes en termes de transmission des connaissances. Bibracte me précise que l’installation de ce dernier date de 1996 et qu’il a été enlevé en 2011 lors de la refonte de la muséographie pour des questions de véracité d’apparence des gaulois et ils ont donc choisi de présenter des éléments séparés pouvant former un ensemble plutôt qu’un ensemble sous forme de mannequin pouvant donner une image incertaine.

Par ailleurs pour découvrir Bibracte aux beaux jours, je vous invite à voir leur site : Site de Bibracte

En autre mannequin nous avons aussi eu celui-ci :

Encore une fois, on remarque que beaucoup ont des souvenirs de leur enfance dans les musées et encore plus lorsque des mannequins étaient installés. Pourquoi ? Tout simplement parce que le point commun entre tous les objets et restes présentés dans cet article sont directement en bonne place dans la courbe de la vallée dérangeante dont je vous ai déjà parlé ici : Digital Shaman Project

Je vous ai fabriqué un petit graphique pour l’occasion.

La zone blanche correspond à la vallée dérangeante. Bukimi no tani – 1970 Masahiro Moni

Ainsi, tous les éléments inertes qui vont ressembler à un humain ou qui en est un mais sous forme post-mortem se placent directement dans la vallée dérangeante tandis que les mannequins physiques et anthropomorphes s’y intègrent en général en début de vallée dérangeante sur les graphiques.

Ensuite nous avons les éléments de taxidermie mais tératologiques qui sont intéressants, souvent datés eux aussi mais cela est normal puisque la pratique de la taxidermie de ce type remonte à plusieurs siècles et les conservations en musée le montrent. Nous sommes à ces époques en pleine démarche de l’anatomie comparée comme je vous en parle ici :

Le musée de Valence nous a donné un exemple :

Pour découvrir le musée de Valence : http://www.museedevalence.fr/

Mais des visiteurs d’autres endroits également :

Mais d’autres tweets sont venus agrémenter ce fil surtout avec des taxidermies et des éléments humains :

https://twitter.com/sage_manon/status/1251579084712431617?s=20

Un des objets ayant provoqué le plus de réactions est bien l’homme conservé du tweet ci-dessous :

Ce dernier représente beaucoup d’interrogations pour les novices mais aussi pour les habitués des conservations humaines (et encore, nous savons que nos ancêtres avait une imagination débordante pour conserver des êtres humains). Cette conservation revêt tout ce qu’il est difficile d’exposer au public :

  • Un contexte particulier : Un employé du XIXe mort sur son lieu de travail
  • Une conservation relativement aléatoire (loin des beautés qui existent pourtant durant cette période)
  • L’idée de “taxidermiser” un humain qui relève pour beaucoup d’un scénario de film alors que nous savons que ce type de cas n’est pas exceptionnel dans le monde et dans l’histoire de la médecine.

Il est donc intéressant aussi de constater que les réactions sont variées autour de restes comme celui-ci.

Enfin nous avons eu aussi de beaux exemples de masques mortuaires de différents musées ce qui constitue un patrimoine important et fragile pour tout ce qui touche au funéraire.

Le musée de Bretagne dont je vous parle souvent à découvrir ici : https://www.musee-bretagne.fr/

Et d’autres comptes culturels ont participé en proposant aussi ce type d’objets !

Le cas de ces moulages est tout à fait fascinant ! Ils ont même été exposés en 2012 selon la directrice du Museum de Lille qui m’a gentiment autorisée à relayer ce tweet comme les autres musées mentionnés dans cet article ! http://mhn.lille.fr/

Et pour certains comme à Pessac où l’objet effrayant vient compléter une présentation didactique pour les visiteurs ! https://www.cap-sciences.net/lieux/caparcheo.html

Ainsi, un hashtag dédié montre et cela n’est plus à prouver et surtout sur Twitter, que l’on peut dialoguer sur tous les sujets, mais surtout, que cela a un véritable intérêt pour les musées afin de montrer d’avantage leurs collections mais aussi leurs petits secrets ! La mise en avant du patrimoine étrange et plus particulièrement de ces objets qui sortent pour beaucoup de la vision classique d’un contenu muséal permet aussi de participer à leur protection par leur valorisation sur les réseaux sociaux.

Enfin, j’ai eu la chance de pouvoir apparaître dans l’infolettre autour de la culture et des musées de Muzeodrome (vous pouvez aussi vous abonner pour être tenus au courant des actualités). L’infolettre parle de la création du hashtag francisé ! https://muzeodrome.substack.com/p/dans-les-coins-dinternet

Je tenais à remercier celles et ceux qui ont participé, les musées qui m’ont donné leur accord pour publier leurs tweets. Longue vie au patrimoine post-mortem !

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