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Bonjour à tous et à toutes, à l’heure où j’écris ces lignes nous sommes tous confinés ! Mais, je vois quelques étudiants qui commencent à chercher leurs chantiers de fouilles archéologiques pour l’été (et c’est bien !). Sur Twitter, je donne régulièrement des conseils en lien avec les chantiers de fouilles pour se préparer au mieux pour cette nouvelle aventure. Une liste de conseils donnés de mon point de vue mais qui peuvent diverger selon les expériences ! Une liste qui est donc non exhaustive.
Pour ma part, j’ai commencé en étant lycéenne et chaque année je fouillais sur des chantiers programmés et ce durant l’été quand je ne travaillais pas en job étudiant en parallèle de mes études supérieures (ou bien j’alternais avec des emplois en musées). Car oui, les chantiers de fouilles sont bénévoles. Cela fait partie de la tradition d’un étudiant en archéologie que d’aller tâter de la truelle pendant ses études universitaires.
Bien que des cours d’archéologie en termes techniques soient parfois dispensés en Université, il reste évident que le terrain vous enseignera beaucoup plus rapidement les techniques et ce encore plus si votre équipe est constituée d’archéologues rigoureux sur la transmission des savoirs et pédagogues. Mais, avant de vous lancer dans la recherche du chantier parfait, je vais vous donner quelques conseils qui découlent de mon expérience propre mais également de ce que je constate chez les autres personnes qui fouillent ou qui ont décidé de faire de l’archéologie leur métier !
Tout d’abord, comment se déroule un chantier? Il y a deux cas de figure :
La majeure partie du temps, le travail est donc bénévole avec l’hébergement et le couvert pris en charge (j’ai déjà vu de rares demandes de participation financière mais cela n’est pas le plus répandu). Ce qui signifie que dans les deux cas vous allez travailler et/ou vivre avec d’autres gens. Ce qui devrait crier dans votre tête : “PARTAGE (des tâches et du taff)”.
Mes conseils pour les premiers chantiers archéologiques
Tout d’abord, on enlève de sa tête l’image de l’archéologie propre et romancée du cinéma puisque l’archéologie de terrain est tout sauf propre. Je sais que c’est toujours impressionnant quand on fait ses premières fouilles ou même par la suite, on se pose beaucoup de questions à savoir si on ne va pas être à la traîne, handicaper l’équipe ou tout simplement ne pas savoir faire. Si vous êtes novices, c’est bien sûr à l’équipe de fouille de vous former aux gestes essentiels de terrain et surtout de vous les expliquer. Si il n’y a pas d’explications, aucun doute que vous aurez beaucoup de mal à fouiller efficacement et à y prendre du plaisir. Un chantier est donc une zone de travail mais aussi de pédagogie. Et c’est à cela que l’on voit un bon chantier : celui où on apprend des choses.
Trouver le chantier de fouilles archéologiques
Pour trouver un chantier de fouilles, plusieurs solutions s’offrent à vous. Tout d’abord les annonces dans votre faculté, souvent les secrétariats ou associations étudiantes peuvent diffuser des annonces. Ce qui est pas mal pour trouver des chantiers faits par vos professeurs ou par les chercheurs des laboratoires affiliés à votre université.
Ensuite internet ! Depuis de nombreuses années, fouilleurs et fouilleuses se rendent sur ce précieux site : et celui-ci : https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Archeologie/Sur-le-terrain/Chantiers-archeologiques-ouverts-aux-benevoles-2021
Comme vous le voyez, les listes sont pour 2019 car tout est mis à jour en temps réel. Pas de doute que les chantiers de 2020 vont commencer à fleurir par ci par là. Et puis je vous ajouter un site belge en supplément : https://www.archeologia.be/fouilles.html
Rien ne vous empêche de fouiller à l’étranger, mais mon conseil est plutôt de faire un ou deux premiers chantiers en France ou dans le pays de votre langue natale pour ensuite tenter ailleurs dans une autre langue. Cela sera un gain de temps pour vous et vos formateurs car vous aurez déjà les gestes et vous en apprendrez juste la traduction. De plus, toutes les lois ne sont pas les mêmes en lien avec l’archéologie dans le monde, d’où le fait d’être vigilant à cela car les méthodes peuvent changer.
Une fois que vous aurez trouvé un chantier ou plusieurs qui vous plaisent, préparez votre CV et votre lettre de motivation. Je conseille comme pour le travail, de faire une lettre distincte pour chaque chantier. Sachez que les techniques de fouilles seront sensiblement différentes selon la période et le terrain que vous aurez choisi. Pour ma part j’ai débuté sur un chantier médiéval et j’ai commencé à manier la pioche avant la truelle ! Alors que lorsque je suis passée à la période gallo-romaine, j’ai du travailler différemment et ce coup-ci avec la truelle en majeure partie du temps. Le choix de votre période reste importante aussi en lien avec les sujets de recherche que vous visez même si cela n’est absolument pas définitif ! Pour ma part j’ai souhaité en voir plusieurs pour m’adapter à différentes périodes mais aussi découvrir divers artefacts en vrai (et oui, entre une meule médiévale et un enduit peint gallo-romain, il faut bien se faire l’œil !)
Une fois que vous aurez envoyé votre candidature, attendez la réponse, au besoin vous pouvez relancer mais pas trop sinon c’est pénible et pas forcément apprécié car les chercheurs mettent parfois du temps à répondre et cela est normal.
Bingo ! Un chantier vous accepte. Maintenant le matériel.
Le matériel pour une première fouille archéologique
En général, le matériel de fouille est fourni mais il peut être stipulé d’apporter sa propre truelle (au bout d’un moment on a la sienne en fait, pour ma part j’utilise une WHS classique forme “triangle” avec un manche doux plutôt qu’en bois + mes outils de dentiste). En principe si vous décapez beaucoup, votre truelle va perdre de son épaisseur et de sa taille au fur et à mesure des fouilles. Donc il n’est pas forcément utile de venir avec votre propre truelle mais si c’est le cas, il faut venir avec une truelle d’archéologie et non une truelle de maçonnerie. J’ai déjà vu des étudiants dont les parents pleins de bonne volonté leur avait glissé une truelle de maçon dans le sac. Adorable à mon sens mais cela ne vous sera d’aucune utilité (et si l’équipe n’est pas très sympa cela peut occasionner quelques moqueries). Donc, n’hésitez pas à regarder si cela est utile ou non d’en avoir une. Pour ma part j’ai acheté la mienne après mes 3 premières années de fouilles. Surtout, n’oubliez pas d’annoter votre nom dessus pour éviter qu’on vous la prenne (ça peut aller vite par mégarde) ou qu’on vous la vole (malheureusement ça peut arriver aussi) voire pire, qu’on vous dise que vous l’avez pris dans le préfabriqué et que c’est celle du chantier.
Ensuite, selon l’endroit où vous allez fouiller, je recommande de bien choisir des vêtements aérés si il fait chaud (qui vont évacuer la chaleur et la transpiration, il y a de bons modèles chez Décathlon que j’utilise pour le terrain dans le cadre des expéditions professionnelles que j’organise). Si il fait mauvais ou humide pareil, protection, chaleur et évacuation de la transpiration ! L’idée est de ne pas être mouillé pendant les efforts que vous allez fournir pour ne pas prendre froid si le terrain n’est pas ensoleillé ou coincé entre deux montagnes. Pour la chaleur, la grande plaie de l’archéologue et du fouilleur reste le bronzage de camionneur. Inévitable en fouillant en plein soleil parfois dans des conditions vraiment rudes si des abris ne sont pas installés. On prend donc sa crème solaire indice élevé (vous verrez c’est super pénible d’en remettre avec les mains pas forcément propres mais c’est important), chapeau, chèche ou foulard, de quoi vous hydrater, un stick à lèvre et de la biafine pour le soir et c’est parti ! Dans tous les cas, le terrain reste souvent difficile et rude pour le corps que ce soit en temps froid ou dans la chaleur.
Les chaussures sont ensuite le point le plus fondamental car cela est en lien direct avec votre sécurité ! Souvent, il vous sera demandé d’emmener des chaussures de sécurité et cela est vraiment important. C’est un achat qui peut être coûteux mais croyez moi, une pioche sur le pied même avec ce type de chaussure ce n’est pas agréable. Il vous faut de la stabilité, de la protection et de la sécurité. Pour ma part, j’ai trouvé les miennes chez Gémo, ils ont une collection hommes et femmes pas trop onéreuse (j’espère que c’est toujours le cas). Si on vous demande des bottes, c’est pareil, prenez des bottes crantées, on oublie le modèle de bateau qui va vous faire glisser plus que prévu sur le terrain (et personne ne veut renverser son seau ou sa brouette sur la coupe des autres fouilleurs).
Enfin, n’oubliez pas tout ce qui touche à votre santé (une bonne trousse à pharmacie bien pleine, prévenir votre chef de chantier si vous avez un traitement particulier ou des choses à dire comme des crises ou autre pour que personne ne soit surpris) et puis soyez bien à jour avec vos vaccins et surtout le DT Polio parce que on fini toujours par se faire des petits blessures en fouilles. Ah oui et aussi, n’oubliez pas les pansements pour les ampoules que vous aurez aux mains et aux pieds !
La vie en communauté sur un chantier de fouilles
Là nous passons à la partie qui divise : Le travail et la vie en communauté. C’est ce qui marque le plus lors des chantiers de fouilles et soit on adore, soit on déteste. Il va donc falloir accepter de vivre et travailler avec des gens différents de vous, des caractères qui ne vous plairont pas forcément et surtout à devoir participer à des tâches collectives (vaisselle, ménage, repas si ce n’est pas fourni par un restaurant). Cela peut super bien se passer comme cela peut être une catastrophe. Mon conseil premier :
Il n’y a aucun mal à faire son enquête à ce niveau pour vous éviter de mauvaises surprises. Je sais que cela peut être impressionnant quand on débute les fouilles mais c’est important pour avoir une première expérience.
Mes premières fouilles s’étaient très bien passées dans l’ensemble car les fouilleurs étaient tous beaucoup plus âgés que moi et donc, ils ont pris soin de m’accueillir avec bienveillance et de m’expliquer les choses. C’était un excellent souvenir et je leur en suis reconnaissante. A l’inverse, je suis déjà tombée sur des chantiers qui se sont mal passés en termes humains et j’ai décidé de quitter ces chantiers. D’accord, cela n’est pas bon pour la réputation mais pour ma part je préfère partir des situations toxiques plutôt que d’y rester. Encore plus en étant bénévole, car nous sommes avant tout des personnes. Idem pour les problèmes d’ordre sexuel, cela arrive et comme dans tous milieux professionnels vous n’avez pas à y subir du harcèlement. Des initiatives à ce propos fleurissent doucement dans ce milieu : https://payetatruelle.wixsite.com/projet
Un chantier de fouilles, ce n’est pas le pays des bisounours, vous aurez toujours des chefaillons qui viendront vous rappeler qu’ils dirigent telle ou telle zone et que vous n’êtes qu’un fouilleur. Ne vous inquiétez pas, cela est commun car l’humain reste un humain également et encore plus avec un semblant de pouvoir. C’est ainsi que je vous recommande de rester alerte sur la façon dont vous êtes traité et de savoir refuser quand les choses vont loin quitte à quitter la fouille si cela n’est pas admissible. Encore une fois, cela peut vous pénaliser par la suite dans votre carrière, suivez donc votre libre arbitre.
Mais dans l’ensemble, les fouilles se passent bien et on en garde souvent de bons souvenirs et on peut même se faire des amis ! Ce qui est super par la suite dans votre parcours de connaître des personnes dans ce domaine. On apprend beaucoup de choses à condition d’être attentif !
Il est très rare que vous soyez sur une zone de fouille très importante à l’intérieur du site. Certaines zones sont plus techniques à fouiller, ainsi il est aussi rare qu’on puisse approcher une sépulture en tant que fouilleur dés son début de “carrière” de fouille. Cela prend du temps mais il n’est pas rare que des plus expérimentés acceptent d’expliquer des choses en même temps qu’ils fouillent ! Tout dépend encore une fois de leur pédagogie mais aussi du temps disponible pour l’ensemble de la fouille.
Ainsi, il n’est pas rare de faire autant de la fouille, que du décapage ou encore du nettoyage ce qui constitue la majeure partie des fouilles classiques ! Le nettoyage c’est super, pour ma part c’est ce que je préfère car on découvre les objets mais également, on peut nous apprendre ce qu’on doit nettoyer ou non, ce qui peut s’avérer plus qu’utile selon ce qu’on trouve (pièces, objets particuliers en verre, en ivoire, en bronze etc) afin d’en apprendre plus sur l’altération de ces objets et ce qui peut découler d’un nettoyage qui n’aurait pas dû être fait selon leur nature !
Les bobos en fouilles archéologiques
Inévitables, vous aurez mal. Déjà, vous aurez mal de travailler en position accroupie, les premiers jours seront donc difficiles et ce même pour aller aux toilettes. Ensuite, entre les coups de soleil, les ampoules et la fameuse tendinite du fouilleurs (ça arrive souvent plus vite qu’on ne le croit) tout pousse à la prudence ! Tout d’abord, la tendinite guette rapidement surtout si vous vous évertuez à casser une butte tassée avec seulement une truelle. Mais en réalité, tenir une truelle toute la journée c’est du sport ! Une de mes autres recommandations est de bien fléchir vos genoux lorsque vous vous baissez car le tour de dos peut vite arriver également. Donc il faut bien penser à ça quand vous allez soulever vos seaux chargés de terre ou encore la brouette pour emmener tout ça au monticule dit “le dépotoir”.
Pour vos coups de soleil, bien hydrater après chaque journée, cela vous sauvera la vie surtout après la douche salvatrice de fin de travail. Idem pour les ongles, n’oubliez pas de bien les couper à ras pour éviter un retournement ou qu’ils se cassent. Ça peut faire mal inutilement. Pour les porteurs de lunettes, je conseille de garder précieusement un petit chiffon dédié pour nettoyer votre outil de travail principal : “vos yeux”. Pour les porteurs de lentilles, attention, si votre terrain est poussiéreux ou sableux ça peut être problématique. Là aussi, à vous d’anticiper pour ça. Idem, avec la fatigue on peut vite tomber, glisser et encore plus quand je chemin d’accès au site est fastidieux ! D’où le fait aussi d’être bien assuré en amont de fouilles. On veillera à ne pas laisser les outils en plein milieu du passage pour éviter tout accident.
Et si je veux fouiller des sépultures?
Si l’objectif d’une lancée en archéologie est de fouiller des sépultures, il y a plusieurs choses à prendre en considération ! Tout d’abord, ce sont des restes humains, c’est important de garder cela à l’esprit car à force, on peut déshumaniser le corps sur lequel on travaille. On doit alors lui apporter ce que la loi exige : un respect.
Ensuite, cela va demander des outils particuliers, des méthodes particulières également car comme je l’explique souvent, une fouille de corps répond à des choses aléatoires tant au niveau de sa taphonomie qu’en fonction du terrain et des circonstances où il est découvert. C’est pour ça que l’archéo-anthropologie est un champ d’étude bien à part dans le grand ensemble de l’archéologie. Ainsi, les choses apprises en théorie vont s’avérer très utiles sur le terrain. Quand vous aurez accès à vos premières sépultures, en principe vous serez très accompagné et guidé et c’est comme cela que vous apprendrez tous les gestes complexes à faire et surtout à ne pas faire. C’est dans votre spécialisation d’un point de vue universitaire que les choses vont se jouer. En dehors des fouilles de terrain, du post-fouilles et des études en laboratoire (pour ceux qui y ont accès), il est possible de participer à des stages dont le plus connu est celui de Henri Duday et Patrice Courtaud organisent au sein de l’UMR 5199-PACEA : formation à l’étude des sépultures par l’approche archéothanatologique. Une formation au nombre de participants limité !
C’est par la suite après votre Licence que vous aurez accès à des Master dédiés à l’archéo-anthropologie ou encore à des Diplômes Universitaires en complément (attention au calcul de vos UE et crédits ECTS). Mais comme je le dis souvent, le domaine de l’archéologie est un domaine qui est en proie à de grandes difficultés financières et il y a peu de places pour un nombre de diplômés important. Idem pour les spécialisations autour des sépultures et des corps (et ce même en forensique comme j’en parle ici et ici).
Pour conclure
Un chantier archéologique est une merveilleuse entrée en matière pour découvrir le terrain qui sera, pour ceux qui en feront leur métier, leur cadre de travail. Mais cela est très utile pour mieux comprendre comment se déroulent des fouilles et cela n’est pas négligeable quand on travaille dans le domaine de la culture qui va croiser très souvent le milieu de l’archéologie.
Ainsi, une première expérience médiocre de chantier ne doit pas vous arrêter de croire en ce que vous souhaitez faire. C’est une opportunité pour le prochain de trouver un environnement meilleur qui vous correspond mieux et pourquoi pas, en terme de période, correspondra à vos futurs axes de recherche. Il y a une multitude de sites qui s’étendent sur de grandes périodes d’un point de vue chronologique. Et d’ailleurs, les fouilleurs ne sont pas tous des étudiants !
Bon courage pour vos recherches que je vous souhaite bonnes et surtout pour vos expériences que je vous souhaite bonnes également. Dernier point à ne pas négliger, sur le terrain j’appliquais la technique de l’anthropologue : j’avais un petit carnet où je notais le jargon et le soir je demandais ce que cela signifiait à mes collègues au tout début. On n’avait pas internet, mais maintenant c’est plus simple et ça peut vraiment vous aider tant sur le terrain que dans vos copies à la fac.
A bientôt !
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