Pour ce premier article consacré à mes promenades taphophiles en France et à l’étranger, je voulais vous emmener dans ce charmant cimetière qui se trouve à proximité des catacombes dont j’ai parlé en vidéo et dans mon ouvrage. Les articles de cette catégorie ont pour but de mettre en valeur le patrimoine funéraire en France et à l’étranger afin de participer à leur préservation. Pour ce premier article, j’ai voulu présenter ce cimetière aux portes magistrales qui se trouve au même endroit que les catacombes. Si l’aspect monumental du porche peut impressionner, c’est une plongée dans l’art de vivre avec les morts en Sicile que l’on découvre à l’intérieur. Le soleil cogne et se réverbère sur les tombes, mais fort heureusement les arbres apportent un peu de fraicheur ainsi que les grandes chapelles qui bordent les chemins.
Qu’est-ce qu’un ou une taphophile ? C’est tout simplement une personne qui a un grand attrait pour les cimetières et qui adore les visiter…tout comme moi ! Fière d’être taphophile !
On trouve à Palerme plusieurs cimetières et ces derniers sont même répertoriés sur un site internet sous le nom de Cimiteripalermo qui permet d’en savoir un petit peu plus sur chacun et ce depuis 2011. Bien que la plupart des visiteurs qui se rendant dans ce quartier soient présents uniquement pour voir les corps conservés, ils se privent bien souvent d’une jolie promenade dans le cimetière voisin.
Ce dernier est pourtant fort bien entretenu par les familles qui s’y rendent. Parfois les femmes les plus âgées viennent tous les jours ! C’est un moment de rassemblement en début d’après-midi entre dames vêtues de noir venant armées de leurs balais et spray nettoyant pour entretenir les tombes de leurs proches. En même temps, c’est aussi un moment important de discussions et de sociabilisation pour certaines femmes du quartier !
On trouve plusieurs types d’espaces dans le cimetière. Des chapelles funéraires monumentales pour certaines et ornées comme présenté en vidéo, des plus petites très décorées avec des photos, des fleurs naturelles ou fausses et des neuvaines pour permettre une veillée constante pour les défunts. Puis on trouve les inhumations en enfeu c’est-à-dire en élévation comme on peut souvent en croiser dans le Sud de l’Europe. Pour des raisons de vie privée, j’ai enlevé les noms des pierres tombales autant que possible avec mes outils à disposition.
On retrouve au fil des allées du cimetière des tombes plus ou moins imposantes, plus ou moins récentes et surtout on y trouve également des tombes abritant des religieux et religieuses. Les ordres sont très présents à Palerme et cela se ressent lorsque l’on visite ce cimetière qui se trouve collé aux capucins.
Le cimetière des capucins reflète très bien la transition du XIXe siècle suite aux réformes locales et sanitaires pour aménager des espaces dédiés aux morts en dehors des lieux de culte. On trouve quelques tombes ou chapelles de la fin du XVIIIe siècle correspondant aux moments où les corps n’étaient plus admis dans les catacombes pendant quelques années avant la reprise de la pratique. Les siciliens ne sont pas avares de cadeaux et de présents pour leurs défunts et une promenade en ce lieu est une occasion parfaite pour observer comment ces vivants vivent avec leurs morts. On y voit un entretien du souvenir très vif et en adéquation avec la personnalité des disparus que l’on peut deviner en posant les yeux sur les tombes. Si cet excès de décorations pourrait heurter des visiteurs habitués à une certaine sobriété sur les tombes dans leur pays, ce dernier m’a au contraire apporté beaucoup de bien être. Le bien être de voir que cette relation aux morts est très vivace et surtout entretenue. Les cimetières sont alors propres, fleuris et le marbre bien brillant. On trouve par conséquent des tombes d’inconnus mais aussi de personnes plus célèbres comme des artistes locaux ! En revanche, fait étonnant, certaines tombes sont comme frappées, martelées au niveau de certains noms ou certaines photos. Ayant eu vent des diverses formes de vendetta possibles, j’ai supposé que ces martèlements pouvaient être similaires à des damnatio memoriae moderne avec une volonté d’oubli post-mortem. Mais impossible de dire si ici c’est le cas ou non, c’est uniquement une constatation de ma part.
A l’occasion du 2 Novembre, la fête des morts dans le calendrier catholique, les siciliens ont des coutumes tout à fait particulières. Dans le folklore local, l’idée d’un voyage de l’âme des morts pour visiter les vivants la nuit du 1er au 2 du mois a donné lieu à un ensemble de gestes tout à fait typiques de la région. Les enfants sont concernés par cette fête des morts puisqu’ils reçoivent des cadeaux de ces derniers le 2 au matin. Sucreries, petits cadeaux, tout cela participe au culte des anciens dans la culture locale. D’ailleurs, Roberto Alajmo fait un récit tout à fait intéressant de cette impossibilité de dormir durant cette fameuse nuit quand il était petit. Un texte à découvrir ici dans La mort à Palerme. Il est à noter qu’en plus de ces particularités locales, en Italie on trouve le pain des morts à l’occasion de ces journées très spéciales. La version sicilienne est l’ossa di morto, des petits biscuits rappelant les os humains. En Sicile toujours, on trouve même une association qui s’applique à mettre en avant cet héritage funéraire avec la Notte di Zucchero qui est un festival se déroulant à cette période. Ainsi, des recueillement ont lieu parfois la nuit mais surtout la journée du 2 avec des sorties en famille après que les petits aient reçu les fameuses sucreries !
J’espère que cette petite visite, première promenade taphophile a été plaisante et agréable et qu’elle vous aura fait un peu voyager !
Si vous aussi vous souhaitez découvrir la Sicile et son patrimoine, je propose des séjours sur place dans le cadre de mon activité de Travel planner sur mon site L’Aventure du temps. Vous trouverez des séjours classiques sur-mesure en Sicile mais aussi des voyages curieux autour du patrimoine funéraire et des curiosités !
