Avez-vous entendu parler de l’exposition “Mourir quelle histoire !” présentée au Musée de Bretagne ? Dans cet article, je vous propose de découvrir cette exposition qui a d’abord été présentée à l’abbaye de Daoulas, pour ensuite s’installer à Rennes. J’ai eu la chance de m’y rendre puisque j’ai pu y présenter une visite guidée !
Le Musée de Bretagne présente l’exposition “Mourir quelle histoire !” jusqu’au 22 septembre 2024, avec pour objectif de rapprocher ses visiteurs d’un sujet souvent tabou. Pourtant, quoi de mieux que les musées pour parler de la mort ? A cette occasion, l’exposition présente 300 objets aux visiteurs, dont certains sont liés à l’histoire bretonne mais pas que. C’était un grand honneur pour moi de me rendre à Rennes pour présenter l’exposition à travers mon regard, puisque j’ai moi-même grandi en Bretagne, du côté de Plonéour-Lanvern, de Quimper mais aussi du Guilvinec (sans oublier Brest et Lorient), alors les histoires de l’Ankou ça me parle. J’en avais d’ailleurs fait quelques vidéos dans un cycle dédié à la Bretagne.
L'exposition permanente du Musée de Bretagne
J’ai commencé ma découverte du musée et de l’exposition en compagnie de Laura qui est médiatrice culturelle au musée. L’occasion de faire connaissance, mais aussi de mieux comprendre le musée, son organisation et sa vocation : être un lieu de partage, d’échange et d’enrichissement pour les rennais et les visiteurs venus d’ailleurs.
L’exposition permanente du musée permet de mieux comprendre la Bretagne, ses origines, sa complexité et sa culture, tant du côté rural que du côté marin. J’ai beaucoup apprécié la partie archéologique qui présente de façon ingénieuse les divers questionnements liés à l’occupation de ce territoire.
Les visites de musée avant mes conférences ou prises de parole sont toujours trop rapides à mon goût car je suis souvent millimétrée en termes de temps. Néanmoins, l’exposition permanente et gratuite du musée ne manque pas d’éléments parfois exceptionnels, mais également de petites choses funéraires tout à fait intéressantes au gré de l’exposition qui suit un ordre chronologique.
Une fois passée la partie historique la plus ancienne, on passe à la Bretagne dans son quotidien et dans son histoire plus récente. J’ai beaucoup aimé cette partie du musée, puisqu’il est possible de découvrir de nombreux objets, mais aussi de beaux costumes traditionnels de chaque région. On se questionne sur ce qu’est l’identité bretonne, tout en se confrontant aux clichés et à leur origine, le tout bercé dans une ambiance sonore et visuelle tout à fait à propos. Malheureusement je n’ai pas eu le temps de tout prendre en photo pour vous le montrer, alors il faudra vous rendre au musée pour découvrir tout cela. Direction maintenant l’exposition temporaire à l’origine de ma venue, Mourir quelle histoire !
L'exposition Mourir quelle histoire !
Ce n’est pas toujours évident de proposer des expositions sur la mort tant les concepts sont nombreux et parfois glissants. L’équipe du musée a décidé de partager l’exposition permanente en trois thèmes autour de Mourir quelle histoire : la retenue, la séparation et le remaniement. L’ensemble est cohérent et interroge sur le concept de mort, du mort aussi, mais également de son changement de statut selon les sociétés. Pour répondre à ces questions, il est possible de consulter des oeuvres, des objets, mais aussi des éléments sonores ou vidéos qui viennent ponctuer la visite. L’exposition débute avec des vidéos puis des éléments concernant l’annonce de la mort.
Au cours de ma présentation, j’ai eu carte blanche par rapport à ce que je pouvais dire. J’ai choisi de mixer mon expérience personnelle de terrain au sein du monde funéraire actuel, et le lien avec les objets présentés. La vitrine dédiée à la préparation des corps est une de celles où je me suis arrêtée le plus longtemps puisque c’est un élément récurrent dans mon travail. Le soin du mort regroupe dans l’exposition des éléments d’apparat, d’accompagnement et de préservation de la dépouille.
S’en suit une partie sur la veillée, allant du décor traditionnel des maisons en passant par les photos post-mortem. De nombreux éléments de la visite se retrouvent dans mon livre Funèbre ! qui est dans la bibliographie officielle de l’exposition. Pour moi cela a été l’occasion de parler de ce moment important à l’heure actuelle que nous constatons en déperdition dans le monde funéraire, sauf cultures particulières. De nombreux objets présentés dans l’exposition appartiennent aux collections du musée. C’est le cas des photographies post-mortem qui permettent aussi aux visiteurs de visualiser différents symboles : le blanc pour les enfants et les jeunes femmes, les couronnes de perles qui seront présentées par la suite dans l’exposition…et bien d’autres éléments encore.
L’exposition permet de comprendre de façon visuelle que l’annonce de la mort était un évènement public comme en témoigne un tableau exposé représentant les tentures de deuil qui étaient accrochées sur les maisons au moment des décès par le passé.
S’en suivent les vitrines dédiées aux funérailles. C’est à mon sens dans cet espace que l’on retrouve les objets les plus impressionnants de l’exposition, en particulier le catafalque, le corbillard hippomobile, et les tenues de deuil. Autant d’éléments que l’on voit très peu dans les musées ou lors d’exposition. Bien que les vitrines présentent des objets liés à la mort en France ou en Bretagne, on retrouve également divers objets extra européens permettant de varier le propos et les exemples.
L’exposition saura ravir les adeptes du XIXe siècle et du début du XXe, puisque l’on retrouve des éléments tout à fait intéressants liés à ces périodes. Difficile pour moi de tout prendre en photo, de plus, ma présentation se devait de durer une heure, ce qui est un challenge pour tenter de tout couvrir dans l’exposition. Sur la seconde partie de mon intervention, j’ai beaucoup axé sur le savoir-faire français. Un élément qui m’intéresse particulièrement puisque j’insiste beaucoup dessus dans mes ouvrages, en particulier dans Cabinet de curiosités insolites, médicales et macabres, et dans mon prochain livre Pionnières du monde funéraire.
Pour moi, l’une des pièces maîtresse de l’exposition s’avère être le catafalque de Saint-Gilles-Pligeaux dont je vous parle dans mon livre Abécédaire illustré des mots de la fin. C’est un trésor de sculpture, de style, et surtout un témoin fascinant de l’usage des décors macabres dans le monde funéraire breton. On peut y lire : “Hire Dime. Varchoas Dide” traduit du breton “Aujourd’hui c’est moi. Demain c’est toi”. Un Memento Mori efficace.
Les autres parties de l’exposition sont très riches, passant des processions au cimetière, sans oublier les ornements ou encore les épitaphes. Il y a des exemples de pierres tombales juives comme je vous les présentais dans mon article sur Prague.
J’ai été très émue de voir pour la première fois une Proëlla. La Proëlla est traditionnellement liée à l’île de Ouessant. Elle avait pour but de simuler les funérailles des marins morts en mer. La croix en cire représentait le défunt, et ce dernier était veillé puis emmené en procession. Cela permettait de pallier à l’impossibilité d’inhumer le mort en terre consacrée jusqu’aux années 1960. “Qui voit Ouessant, voit son sang.”
L’exposition permet de découvrir un artisanat tout à fait majeur dans le cadre des funérailles, que cela soit lié aux pierres tombales, ou comme je le disais aux couronnes de cire, de porcelaine ou encore de perles. La partie dédiée au cimetière présente des poteaux funéraires malgaches ou australiens, tout en présentant également des éléments bien plus proches de chez nous, encore plus en Bretagne : des boîtes à crâne.
Celles présentées proviennent de Saint-Pol de Léon et font partie des plus connues. Ma copine du blog La Lune Mauve en a fait un super article par ici, mais aussi dans un des bulletins de l’association des Danses Macabres d’Europe.
Pour la faire courte, les boîtes servaient à récupérer les chefs (les crânes), à la fin d’une concession. Pendant la réduction de corps, le crâne était placé dans une boîte ornée de symboles liés à la mort comme des larmes et d’autres informations sur le défunt.
Je la remercie d’ailleurs de sa venue et de m’avoir immortalisée en train de parler de mon sujet préféré.
La suite de la visite s’oriente sur les représentation de la mort, de l’enfer, sur l’idée du bien mourir et de la bonne mort. Cette partie là est plus picturale, mais elle présente des éléments assez exceptionnels comme cet Ankou de bois, dont la conservation se fait sous haute surveillance. Quand j’étais plus jeune, j’étais terrorisée à l’idée d’entendre la roue qui grince de la charrette annonçant la venue de l’Ankou. Si vous n’avez pas grandi ou vécu en Bretagne, vous ne l’avez sûrement jamais croisé dans des récits. Mais l’Ankou est avant tout un auxiliaire de la Mort. Difficile de ne pas lui faire confiance avec son sourire ravageur.
Dans cette partie de l’exposition, on oppose aussi des visions de l’après. Il est souvent difficile d’expliquer des concepts parfois très étrangers aux visiteurs. Je le constate, l’idée de l’Enfer et du Paradis prédomine tellement dans le monde Occidental, qu’il est difficile de ne pas faire de parallèle lorsque l’on aborde des croyances d’ailleurs qui n’intègrent pas ces éléments. Cette partie de l’exposition s’intéresse aussi aux tabous de la mort (j’en parle beaucoup dans Funèbre ! ou dans Momies !). Certaines cosmogonies sont aussi explicitées comme celles des inuits et des aborigènes d’Australie. Les visiteurs découvrent ensuite la partie dédiée au Memento Mori, souviens-toi que tu vas mourir, à grand renfort de Vanités.
Enfin, la dernière partie de l’exposition s’intéresse aux liens que nous tissons avec les morts. Que ce soit par le biais du souvenir, des reliques profanes, ou encore des légendes. Dans cet espace, nous voyageons aussi bien au Mexique qu’auprès des lavandières de nuit, sans oublier quelques fantômes japonais.
Et voilà, cette visite se termine ici sur mon blog, mais vous avez encore jusqu’au 22 septembre pour la découvrir au Musée de Bretagne à Rennes. Des visites commentées sont proposées ainsi que des ateliers proposés par l’équipe du musée.
Je vous recommande d’y aller, c’est si rare d’avoir une exposition sur le sujet, qui plus est avec des pièces magnifiques issues de plusieurs pays du globe, et surtout des collections bretonnes. Je remercie chaleureusement l’équipe du Musée de Bretagne de m’avoir permis de rencontrer du public entre ses murs autour de ce sujet passionnant. Je remercie toutes les personnes qui sont venues me rencontrer, et j’espère avoir le plaisir de vous recroiser un jour.
Kenavo les amis !Du 16 mars au 22 septembre 2024 | Musée de Bretagne
Plein tarif : 4 €
Tarif réduit : 2€
Gratuit tous les premiers dimanche du mois
N’hésitez pas à découvrir mes différents ouvrages évoqués dans cet article, et si vous voulez que je vienne dans votre institution, c’est par ici.