Lorsqu’il s’agit de naufrage, l’un de ceux dont le nom retentit le plus fort reste celui du Titanic. Véritable fascination pour ce monstre de mer ou curiosité sur un drame largement repris en roman, films ou séries télévisées, depuis 1912, les passions se déchaînent. Dans cet article illustré par quelques unes de mes archives personnelles, je reviens sur les faits dans les grandes lignes et sur le traitement des corps suite à l’accident.
Le rappel des faits
Le naufrage s’est déroulé lors de sa première et unique traversée transatlantique du navire appartenant à la White Star Line, une des principales compagnie maritime britannique au XIXe siècle et début du XXe siècle. Il va sans dire que cette traversée était synonyme de nombreux challenges à une époque où les trajets d’un point A à un point B se devaient d’être plus rapides, plus fiables et surtout plus rentables en embarquant un grand nombre de passagers. L’embarquement de ces derniers sur le Titanic s’est fait à trois endroits (à chaque escale des passagers inter-ports sont descendus du navire) :
- Il part de Southampton en Angleterre le 10 Avril 1912 aux environs de midi
- Puis dans la journée passe à Cherbourg en France prendre d’autres passagers
- Il fait ensuite une escale pour récupérer de nouveaux voyageurs à Queenstown en Irlande.
Le 11 Avril 1912 à 13h30 il lève l’ancre direction New York aux Etats-Unis emportant avec lui les espoirs de nombreuses personnes cherchant une nouvelle vie ou souhaitant juste rentrer chez elles.
C’est là que ça commence à se compliquer en termes de chiffres tout d’abord. Le nombre de passagers est approximatif. Bien que de nombreuses personnes aient été répertoriées au moment de l’achat du billet et des embarquements, ces chiffres restent toujours incertains malgré de nombreuses recherches. Au terme de l’escale à Queenstown, il fait état d’un nombre de passagers et de membres de l’équipage égal à 2229 personnes (autre source ici.)
Vous connaissez-probablement l’histoire du naufrage, mais c’est durant la soirée du 14 Avril à 22h55 que le Titanic reçoit un message d’avertissement d’un danger lié à la glace de la part du Californian mais aussi du Baltic. Messages qui ne seront pas suffisamment pris en compte et c’est par la suite à 23h40 qu’interviendra la collision avec le fameux iceberg enclenchant ainsi le naufrage de nuit dans une eau faisant environ -2 degrés.
Le grand drame du Titanic se trouve dans le cas des canots de sauvetage au nombre insuffisant, pas assez remplis lors de leur mise à l’eau, dans une organisation qui a eu quelques gros soucis de coordination entre le calcul du temps de flottaison du bateau après la collision et l’arrivée éventuelle des secours lors de l’envoi du code CDQ, Come Quicly Distress, par les opérateurs radios à 23h40... Sans oublier que de nombreux passagers paniquent, souhaitent emmener leurs biens, ne comprennent pas forcément l’anglais et tout cela mène à des scènes de panique (d’ailleurs, l’histoire récente avec le naufrage du Costa Concordia nous a permis d’observer ces réactions entre passagers en vidéo, ce qui donne un peu une idée de ce qu’il peut se passer comme altercations et tensions lors d’un tel évènement).
Écho de luttes sociales à l’époque, le fait que les stewarts n’aient pas ouvert certaines grilles aux passagers de 3e classe reste pour certains une rumeurs et pour d’autres un fait avéré.A 00h15, l’ordre d’évacuer les femmes et les enfants est donné et le premier canot est mis à l’eau à 00h45 avec 19 personnes à bord alors qu’il pouvait en prendre 65. C’est ainsi que de 00h45 à 2h20 du matin, le naufrage se déroula et à son terme réduit au silence la nuit sombre faisant raisonner auparavant les cris des futurs naufragés. Environ 1500 personnes sont alors victimes de l’accident. Le plus grand nombre de morts concerne l’équipage du navire ainsi que les 3e classe et en majorité des hommes. Pour certains historiens et spécialistes, la règles des femmes et des enfants d’abord est, pour les naufrages au XXe siècle l’une des dernières coutumes qui a été respectée lors de ce type de drame et c’était sur le Titanic…
C’est ICI que Le Bizarreum s’intéresse à la tournure des choses ! Et oui, autant pour ceux qui ont vu le film, vous savez que des rescapés du naufrage ont été secourus par le Caparthia dont les premiers feux sont vus à 3h30 et le Californian prévenu par le bateau Frankfurt. Mais si il y a bien un navire qui est moins connu du grand public c’est le CS Mackay-Bennett. Ce bateau est loué par la White Star Line pour aller sur les lieux du drame et pour servir à rapatrier les corps. En tout, quatre bateaux seront loués par la compagnie : Le Mackay-Bennett, le Minia, Le Montmagny et l’Algérine.
Mais avant de rapatrier les corps en arrivant une semaine après l’accident, des personnes périrent directement lors du naufrage, donc dans les minutes et heures qui suivent cet évènement. D’accidents liés au bateau lui même, emportés dans la carcasse, le nombre de corps qui a coulé au fond des abysses est alors difficile à quantifier.
De quoi sont morts les gens du Titanic
En milieu aquatique, on distingue trois types de morts récurrentes. Pour le Titanic il faut prendre en compte que des chocs mortels ou suivis de noyade ont pu se produire à cause du navire et de la panique environnante mais également l’hypothermie à cause d’un séjour prolongée en eau gelée.
La décomposition dans l’eau
La décomposition d’un corps se divise en plusieurs étapes à partir de l’arrêt du cœur et en fonction de l’environnement peut prendre différentes tournures. Rigidité cadavérique, autolyse qui intervient où les bactéries à l’intérieur du corps vont se multiplier et se diffuser tandis que de nombreux gaz vont s’accumuler et s’échapper. Les cellules sanguines endommagées vont se répandre et décolorer la peau. Le corps peut alors gonfler de façon astronomique. Bref, sans entrer dans les détails très techniques du microbiome bactérien, pour ce qui est des corps immergés comme cela est le cas pour les victimes du Titanic il a été observé :
Les corps dans l’océan sont soumis à de nombreux mouvement, sans oublier la salinité de l’eau et le froid de l’Atlantique Nord et les animaux. Pour autant, on observe dans les cas de noyade un flottement possible du aux gaz accumulés dans le corps (encore plus avec un gilet de sauvetage).
Les gaz internes vont ressortir par les orifices et là peuvent se passer deux choses : Le corps va couler et à ce moment là il est entrainé au fond de l’océan. Ou bien il va continuer à flotter avec les restes de gaz à l’intérieur ou encore grâce à son gilet de sauvetage.
On se retrouve donc avec une partie non déterminée de gens qui sont en repos dans les abysses et un autre nombre de personnes vivantes et attente de sauvetage (en canot ou en eau) et enfin d’une partie des passagers décédés dont les corps sont toujours en flottaison.
La récupération des défunts
Alors que les bateaux loués par la White Star Line traversent l’océan pendant quelques jours pour rejoindre les lieux du naufrage, c’est le choc. De très nombreux corps sont encore en surface. Le personnel spécialisé pour l’embaumement des corps à bord (environ 40 personnes) réalisent qu’il n’y aura pas assez de produits pour tous à mesure qu’ils les récupèrent. Sur le Mackay-Benett, le chef embaumeur John R. Snow (ça ne s’invente pas), avait prévu du matériel, des sacs de toile pour les corps, des cercueils et surtout des tonnes de glace pour permettre de ramener les corps dans un état pas trop mauvais pour l’identification.
Mais très rapidement, le bateau se trouve en difficulté, il est aidé par des bateaux venant dans les environs lui donnant des sac des toiles, le Minia arrive également pour aider avec 150 cercueils et 20 tonnes de glace. Les cercueils sont alors réservés aux classes aisées et les toiles aux moins riches d’apparence.
Les bateaux se relaient et jusqu’au 8 Juin 1912, des corps continuent à être ramenés mais évidemment de moins en moins nombreux. En 2017, lors d’une vente aux enchères ont surgit des télégrammes très intéressants à propos du tri des corps à bord du Mackay-Bennett face au trop grand nombre de morts en dialogue avec la White Star Line. Les hommes d’équipage dans d’autres courriers adressés à leurs proches parlent du fait qu’ils n’espèrent plus jamais faire partie d’une telle expédition et qu’ils dorment avec des cercueils entassés près d’eux. Chaque corps récupéré était consigné avec un morceau de toile noué à la jambe et un numéro.
Pour pallier au fait que de nombreux corps étaient en état de décomposition avancée ou non identifiable, voici ce qu’il a été décidé lors de ces échanges.
“[…] Il est très important de faire tous les efforts pour ramener tous les corps au port”.
Le télégramme ci dessous parle de l’inventaire des biens. Face à tous les corps, un second tri a été fait : Lorsque l’identification n’était pas faisable, ce sont les objets et documents ou vêtements sur les personnes qui permettaient aux équipes de choisir qui garder ou non à bord en rapatriant en priorité les 1ere et 2nde classe. En effet, il faut s’imaginer que tous les jours des personnes vont aux ports aussi bien aux États-Unis qu’en Irlande, Angleterre et en France et la pression est forte pour récupérer les proches. Les plus fortunés font face aussi à des questions financières d’héritages, de succession, il est donc important d’avoir son défunt de retour à la maison.
Cercueils et corps à bord et à Halifax.
La décision est donc prise, en plus de jeter à la mer les corps les plus abimés, de jeter également les plus pauvres d’entre eux. Les corps sont ainsi mis dans un sac en toile, lestés de barres de fer et jetés dans les fonds marins. Le classement des gens par ordre social est très courant au début du XXe. Bien sûr, cette décision a été prise face à l’urgence et à contre cœur pour les équipages des navires et la White Star Line qui voulaient récupérer tout le monde. Malgré cela, chaque défunt a eu un portait détaillé à l’écrit pour aider à une identification si possible plus tard même sans présence du corps.
Le Titanic dans son naufrage a emporté environ 1520 personnes. Environ 700 ont été sauvées. Entre 306 et 334 corps environ ont été récupérés pendant les relais des navires mais entre 116 et 125 ont été rejetés à l’eau. D’ailleurs 4 corps avaient été placés sur le Carpathia (un mort à l’eau et 3 en canots) et tous ont été remis à la mer.
Le jour d’après
C’est ainsi qu’à la suite du naufrage, de nombreuses oraisons funèbres ont été organisées dans les pays touchés par la catastrophe et ailleurs. Les familles ont continué pendant longtemps à attendre l’hypothétique découverte d’un corps de proche disparu par un navire empruntant la route du Titanic. Les corps réclamés sont inhumés et ceux qui n’ont jamais été réclamés ont été enterrés en anonyme dans le cimetière de Halifax au Canada. Certains hommes survivants influents subiront les outrages du grand public face à leur “lâcheté” supposée alors que les hommes étaient les premiers concernés par la mort lors du naufrage.
Ce long article est terminé ! Il vous a plu ? N’hésitez pas à commenter pour me dire et puis si vous aimez ce format blog qui est tout jeune !
A très bientôt !
Mes sources principales pour cet article sont :
– Les Grands Naufrages de Gérard Piouffre
– Les femmes et les enfants d’abord de Gérard Piouffre
– Les informations de l’exposition Titanic qui a eu lieue à Genève
– Mes cours à propos de la décomposition en milieu aquatique
– Ouest France pour les télégrammes de la White Star Line
– La vidéo que j’ai découverte trop tard de Ask a Mortician sur le sujet (réflexe d’aller voir sur Youtube pour mes sujets = 0)
– La France Illustrée
C’était très intéressant, merci pour cet article 🙂
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de le lire 🙂
Merci, une partie méconnue du naufrage.
Très instructif et l’agrement de photos rends la lecture agréable. bravo
Mais que ça fait plaisir de lire un article sur le Titanic ! Et très bien documenté qui plus est ! Il y a tellement à dire sur ce sujet passionnant, et ce format est très sympa aussi 😀
Cela fait réfléchir à l’envers du décors du Titanic. Article très intéressant
Alors là… Bravo très intéressant, je ne m’étais jamais posé la question à ce propos. Grand Merci.
Billet génial, très bien documenté ! Un vrai bonheur de voir ton blog éclore 🙂
Un autre point de vue méconnue sur le Ttitanic merci 🙂
J’ai déjà vu un noyé en décomposition dans l’eau c’est atroce !!!!!Même les pompiers ont vomis leurs tripes …..c’est très intéressant comme article Merci
C’est une des décompositions les pires à mon sens….
C’est intéressant et ce n’est pas sans penser à la question des corps des soldats pendant la guerre de 1914-1918. Chouette blog
Merci beaucoup pour la qualité de votre article et de votre travail en général. J’ai connu un épisode un peu similaire en Thaïlande, lors de la catastrophe du Tsunami. Compte tenu de l’état des corps dans une eau salée à 28 degrés j’imagine que la température impacte particulièrement les chances d’identifications. Heureusement, (si je puis dire), l’ADN est d’une grande aide aujourd’hui. Cordialement.