Interview de Claudia Crobatia et retour sur son projet pour apprivoiser la mort “Get Ahead of Death”

Interview Française Claudia Crobatia

Claudia Crobatia est la créatrice du média funéraire A Course in Dying. Elle vit aux Pays-Bas et a décidé de s’adresser au public de son pays mais aussi à l’international à propos de la mort. Claudia est une esthète avec qui on a commencé à échanger il y a déjà un an ou deux. Mais nous nous suivons chacune depuis plus longtemps et échangeons beaucoup à propos de nos travaux respectifs. Je dirai même que nous sommes devenues de vraies collègues avec le temps ! Si bien que vous avez pu nous retrouver durant l’été 2020 dans l’article de l’ADN autour du mouvement Death Positive bien que Claudia utilise en général le terme “Death Awareness” pour parler de son travail.

Claudia a innové cette année en proposant sa première plateforme de cours centrée sur la mort et sur la gestion de son rapport à cette dernière. Get Ahead of Death est né et Claudia m’a gentiment invitée à découvrir son travail et à participer aux modules. Elle a d’ailleurs été découverte par les médias suite à de nombreuses années de travail en 2021 après le lancement de son module pour apprivoiser la mort. Claudia est donc une Deathfluencer comme disent les médias de son pays à son propos !

La plateforme est en anglais et nécessite d’avoir un bon niveau de compréhension de la langue pour bien tout saisir même si Claudia parle assez lentement de façon très claire. On retrouve aussitôt l’esthétisme et le goût de Claudia, tout est très doux, très accueillant et j’apprécie beaucoup cet aspect là dans son travail en général. Elle possède une âme artistique très forte et sa façon d’aborder le sujet de la mort s’en ressent.

Le travail autour de la mort se fait par des modules tous numérotés et comportant des vidéos ainsi que des exercices qui sont à faire grâce au e-book que Claudia a créé. C’est tout doux, la musique est très agréable et la voix de Claudia également. Elle nous mène vers un chemin pour appréhender les questions autour de la mort mais aussi imaginer ce que l’on veut pour soi-même. Je trouve que l’initiative est très positive, ayant moi-même ces questions de façon régulière à mon propos et bien-sûr pendant que je travaillais en pompes funèbres, cela me parle.

De quoi se compose la plateforme :

  • De 7 modules (31) vidéos autour de la mort, de son propre rapport à celle-ci puis petit à petit arrivent les questions nous concernant nous-même.

  • Chaque module possède une introduction et 3 leçons à découvrir pour continuer son cheminement.
  • De jauges pour voir sa progression dans le programme.
  • D’un E-book pour accompagner les conseils et faire les exercices. Le coût est de 99 € ce qui n’est pas excedd

Ce que j’ai aimé :

L’E-Book d’exercices qui va avec les cours.
  • L’atmosphère générale de sa plateforme qui n’agresse pas le participant et qui ne fait pas peur.

  • Le design et le choix des couleurs douces tout en ayant des petites illustrations un peu vintage que je trouve très sympathiques.
  • La présence rassurante de Claudia qui met du cœur à accompagner chacun dans les divers modules.
  • Les moments de méditation qui permettent de réfléchir à certaines questions posées.
  • La réflexion apportée à ce projet et la logique d’exécution des modules.
  • La présence d’un E-Book qui accompagne chaque module et qui permet
  • Je peux y accéder quand je veux pour pouvoir continuer mes leçons. Le temps n’est pas un problème.

Death Meditation
Un exemple de module

En tous cas, Claudia est une amie et il me tardait de vous la présenter et de présenter son travail au lectorat français !

Juliette

Interview de Claudia Crobatia

Bonjour Claudia, merci d’avoir accepté cette invitation pour te présenter au public français ! Peux-tu nous en dire plus sur toi et nous expliquer ce que tu fais à propos de la Mort ?

Bonjour Juliette. Je m’appelle Claudia, j’ai 36 ans et je vis à Amsterdam. Je suis coach en Death awareness (sensibilisation à la mort) et j’ai récemment été renommée dans mon pays comme la première Deathfluencer. En tant que coach, j’invite les gens à devenir plus ouverts à propos de la mort et à contempler leur mortalité. Je fais en sorte de proposer plusieurs type de contenus comme des articles, des interviews et des vidéos sur Youtube pour que les gens soient plus familiers avec le sujet de la mort et qu’ils tentent de se libérer du tabou autour.
En Janvier 2021, j’ai mis en ligne mon premier ensemble de cours appelés “Get Ahead of Death” qui permet de guider les gens dans le processus en vue de comprendre ce que la mort signifie pour eux et comment réduire leur anxiété à ce propos. Du moment où j’ai mis le programme en ligne, j’ai eu beaucoup de retours et d’attention de la part des médias de mon pays parce que le concept est unique ici. C’est comme ça que j’ai eu ce titre de Deathfluencer parce que je suis active sur tous les réseaux sociaux et que je partage beaucoup sur ces derniers. En ce sens, j’invite les gens à faire face à leur mortalité et à prendre à corps la mort comme une part naturelle de la vie.

Le site de Claudia A Course in Dying

As-tu un parcours d’étude spécifique à propos de la mort ou es-tu autodidacte ?

J’ai un parcours estudiantin non conventionnel. A l’origine j’ai étudié en école d’art et en particulier la photographie, mais je n’ai pas fini mon cursus ce qui fait que j’ai vécu l’abandon d’étude à ce niveau. Puis j’ai travaillé comme photographe et plus tard comme directrice vidéo et ce pendant 10 ans. Mais la mort m’a toujours fascinée et ce de façon profonde. En 2016 j’ai choisi de me concentrer pleinement sur mes médias autour de la mort et en particulier sur mon principal média appelé A Course in Dying. 
La même année, j’ai suivi des cours d’été à l’université de Radboud aux Pays-Bas qui est l’université où se trouve le centre en thanatologie. Sur place, ils étudient la mort par le biais d’études socio-culturelles et religieuses. Mais également à propos de la mort et du deuil. C’était un cursus assez rapide mais l’apprentissage par le biais des lectures m’a encore plus donné envie de pousser mes recherches. 
A côté de tout cela, j’ai un certificat en lien avec l’accompagnement du deuil et je travaille beaucoup par moi-même. C’est un travail en continu – le sujet touche toute l’existence humaine, toutes les cultures, les religions, les comportements sociaux etc. En même temps, je pense que ce sont pour ces raisons que cet intérêt sera sans fin. 

Quand est venue pour toi l’idée de parler de la mort ? Quel est ton cheminement à travers cette aventure ?

J’étais déjà très intéressée par le sujet plus jeune. Mais c’est uniquement après le décès de mon père en 2009 et plus tard celui de ma mère en 2017, que j’ai expérimenté pour la première fois le tabou autour de ce sujet. J’ai remarqué comment les gens dans mon entourage avaient des difficultés à parler de la mort, du deuil, de la perte et je trouvais ça très étrange dans nos société contemporaine où l’on pense être très ouvertes d’esprits et en avance. Cela m’a motivée à commencer ma mission de sensibilisation autour de la mort.

As-tu commencé l’aventure de A Course in Dying parce que tu avais besoin de parler de la mort pour toi d’abord mais également pour les autres, ou as-tu commencé sans penser à ce que ça allait t’apporter personnellement ?

Je n’ai jamais eu de problème à parler ouvertement du sujet mais j’ai remarqué que beaucoup de gens avaient une approche différente. Le déni de la mort et l’anxiété autour de celle-ci domine beaucoup l’attitude des gens autour de ce sujet dans mon pays. Mais ignorer un sujet et ne pas vouloir s’y confronter rend la peur plus forte. 
Je vois la mort comme quelque chose de naturel dans la vie, quelque chose que l’on connaît tous et quelque chose d’inévitable. Je veux aider les gens à prendre conscience de tout cela et réduire ce lourd fardeau qu’est la peur de la mort.

Te sens-tu moins effrayée par la mort ou au contraire, tu as appris à accepter ta mortalité comme tu le dis dans ton travail ?

J’ai toujours senti de façon assez intuitive que la mort n’est pas quelque chose dont il faut avoir peur. Cela ne veut pas dire que je suis prête à mourir maintenant : j’aime la vie et j’aime en profiter, et il y a des tas de choses que je souhaite faire avant de quitter cette vie. Mais j’ai appris à devenir plus à l’aise avec la mort en général et à travers cela, j’espère que le jour où la mort frappera à ma porte, je serai capable de m’abandonner à elle.

Quelles sont les réactions à propos de ton travail ?

La plupart des réactions sont très positives. Particulièrement durant cette pandémie et surtout l’an dernier où le sujet de la mort était très présent dans les esprits. C’est le moment pour moi de m’engager encore plus dans mon travail. J’ai remarqué que les générations plus jeunes entre 20 et 40 ans sont beaucoup plus créatives et authentiques par rapport au sujet et à propos de traiter la perte et le deuil. Ils sont plus ouverts aussi à des démarches plus vertes pour les funérailles. Le système traditionnel ne leur correspond plus, surtout qu’une grande partie de la société n’est plus religieuse. Ils cherchent de nouveaux rituels pour faire face à ce “rite de passage”.

Le retour que j’ai c’est que beaucoup de gens sont reconnaissants et trouvent de l’inspiration dans mon travail. Le module en ligne aide les gens à réduire leur peur de la mort et ouvre de nouvelles perspectives sur la façon de l’aborder mais aussi de comment ils peuvent aider les autres en deuil autour d’eux.

D’un autre côté, il y a une petite part de personnes qui réagissent négativement. C’est aussi le pendant de devenir plus médiatique. Quand on rassemble de plus en plus de gens, il y a toujours des personnes méchantes qui vont commenter de façon agressive. D’autres gens ne prendront pas la peine de connaître mon travail et vont se focaliser sur le titre d’un article sans le lire. Bien souvent ils finissent par dire “qu’est-ce qu’une jeune femme peut savoir sur la mort ?” 
Cette résistance est intéressante en soi et cela me donne la motivation de continuer mon travail de transmission.

“Qu’est-ce qu’une jeune femme peut savoir sur la mort ?”

Quand et comment as-tu décider de lancer ton ensemble de leçons en ligne autour de la mort ?

J’ai commencé ma plateforme A Course in Dying en vue de publier mes recherches via des articles et des interviews. Après 5 ans, tout cela a grandi et c’est une ressource pour ceux qui cherchent des réponses autour de la mort et son acceptation. Les leçons en ligne sont le point culminant de tout cela et A Course in Dying est véritablement devenu “a course” – un parcours en anglais.

Les leçons en vidéo sont faites pour apprendre à accepter la mort comme une étape de la vie et pour permettre à chacun de la voir sous de nouveaux axes et perspectives. Dans un sens c’est une sorte de parcours de développement personnel. J’ai prévu d’autres leçons dans le futur mais c’est déjà un bon début !

Tu as attiré l’attention des médias. Qu’est-ce que ça fait d’être soudainement considérée pour son travail ?

C’est drôle, je n’avais jamais pensé que mon travail deviendrait populaire dans mon pays où j’ai toujours été un peu en marge sur ce point et ce travail autour de la mort était trop de niche pour le grand public. Mais j’avais tort puisque ça continue à être relayé et que les retours sont positifs de la part du public.

Je pense que ça a pris soudainement parce que personne ne se considère comme un “deathfluencer” et que personne ne fait le même travail que moi dans mon pays. Mais je suis reconnaissante de cette exposition et j’essaye d’apprécier le moment même si c’est parfois effrayant et stressant. Ce mois-ci, j’ai été deux fois à la télévision mais si on m’avait dit ça il y a un an, j’aurai ri et surtout je ne l’aurai pas cru !

Dans mon cas je suis toujours étonnée de voir l’enthousiasme des médias alors que des années en arrière les gens se moquaient du sujet et ne comprenaient pas. Ressens-tu ce changement d’attitude chez les gens ?

Oui, je pense qu’à cause de la pandémie, les gens ont été plus ouverts aux questions à propos de la vie et de la mort et que tout cela nous a frappé soudainement. Je vois beaucoup plus d’intérêt autour du sujet. Je pense qu’il y a un long chemin à parcourir pour normaliser la mort et l’accepter comme une part normale de la vie. Mais c’est très encourageant de voir que les gens sont de plus en plus ouverts.

Quelles sont tes influences dans ton travail ? Comment les gens t’inspirent pour faire tout cela ?

Tu m’inspires ! Je me rappelle de la première fois que j’ai vu ton travail pas très longtemps après que j’ai commencé le mien. J’ai toujours regardé tes vidéos avec les sous-titres en français mais je ne suis pas très bonne dans cette langue. Mais ça m’a inspirée de voir comment tu as évolué au fil des ans et d’apprendre à propos des sujets que tu traites dans ton travail.

Mes autres inspirations incluent le travail de Ernest Becker (son livre The Denial of Death), Adi Da Samraj (son livre Easy Death) et ma collègue aux Pays-Bas Susanne Duijvestein qui est directrice de pompes funèbres et qui travaille sur les techniques de compost humain. 

Quels sont tes projets à venir ?

Je viens de rejoindre une plateforme dans mon pays alsdedood.nl où je continue mon travail autour de la mort pour les Pays-Bas. Par la suite, je vais continuer à développer les cours pour A Course in Dying avec des leçons plus courtes avec des approches plus concrètes : comment organiser ses funérailles, comment parler de ses souhaits pour la fin de vie à ses proches ou encore comment gérer le deuil.

A côté de ça, je compte profiter de l’été qui approche pour faire des siestes au soleil avec mon chat !

Vous pouvez suivre Claudia sur de nombreux réseaux sociaux puisqu’elle est présente presque tous dont Youtube avec des vidéos également en anglais ! Merci Claudia pour cette interview !

Facebook : https://www.facebook.com/acourseindying/

Twitter : https://twitter.com/acourseindying

Youtube : https://www.youtube.com/user/claudiacrobatia

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