Les veuves : précarité et danger de leur statut dans le monde.

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L’image de la veuve en noir est bien souvent celle qui vient à l’esprit lorsqu’il est question de veuvage en occident. Néanmoins, la veuve, celle qui a perdu son époux, ne possède pas les mêmes signes distinctifs partout dans le monde. Le traitement de ces dernières peut aller de l’exclusion à l’indifférence totale sans oublier le poids moral de sa tenue et de ses faits et gestes aux yeux des vivants. Le veuvage est une étape particulière de la vie de certaines personnes qui induit un changement de statut social notable dans plusieurs endroits du monde.

Si je n’aborde pas le deuil des veufs, ce dernier existe mais le port de ce dernier est bien moins long en général et bien moins marqué que celui des femmes. L’inégalité de traitement dans la mort des veufs et des veuves reste très visible et cela est valable depuis des siècles. Et surtout, le veuf bénéficie du privilège de pouvoir retourner sur le marché matrimonial dans de nombreuses sociétés (parfois après un temps fixé de deuil), chose que la veuve n’est pas toujours autorisée à faire dans le monde.

Je souhaite, par le biais de mon site à présent que mon travail est en ligne depuis bientôt 4 ans, aborder des sujets tabous, de société et qui n’ont pas forcément leur place dans les conversations de tous les jours. Mais il est aussi de mon devoir dans ma démarche de vulgarisation et de transmission d’information autour du funéraire d’en aborder certains comme celui des veuves en ce jour.

Le port du deuil : symbole et importance pour la société

Les vêtements d’endeuillés sont nombreux à travers le monde et dans l’histoire puisque les codes en lien avec le port du deuil vont changer selon les coutumes funéraires. Également, le genre des individus va influencer le port du deuil. Ainsi, hommes et femmes ne porteront pas le deuil de la même façon dans le monde ni pour une même durée. On notera tout de même que le port du deuil est bien plus rigoureux de façon généralisée pour les femmes que pour les hommes puisque, nous le verrons, le rôle de la femme dans le cadre public a une réel importance dans le port du deuil.

En France, le port du deuil, comme il était connu avec la mise en place de pages spécifiques dans les catalogues de ventes ou de tailleurs, se termine dans les années 1930 / 1940 puisque, par la suite, des vêtements noirs simples vont remplacer les toilettes plus élaborées vendues au XIXe et au début du XXe en France. L’idée du port du deuil, et ce partout dans le monde et depuis des siècles, permet en un coup d’œil pour des personnes issues de la même culture de définir qui est en deuil de qui ne l’est pas. Ce qui peut revêtir une importance capitale dans certaines sociétés puisque la femme changera de statut du moment où son mari ne sera plus de ce monde. Ainsi, selon les rites et les us, des temps seront respectés de façon temporaire ou déterminée et seront définis par l’étiquette tacite ou explicite du deuil. Je parle dans mon ouvrage Funèbre ! du poids symbolique de la toilette de deuil d’une veuve au XIXe siècle par exemple.

Pour que le terme veuve soit effectif, il faut qu’une relation maritale soit actée entre deux individus. Ici, j’aborde essentiellement le sujet du point de vue simple de la chose, mais les temps évoluent, les modèles de mariages également, favorisant l’apparition de nouveautés en termes d’échanges et de transmission entre les individus et leur descendance. Si l’on reprend la théorie générale de l’échange se basant sur un système d’alliance (cf les travaux de Claude Lévi-Strauss), la femme sert de monnaie d’échange à travers le mariage pour mettre en place des socles solides, comme assurer la paix entre deux familles ou deux clans, permettre l’acquisition grâce au mariage de nouveaux territoires et bien d’autres encore… comme donner naissance à des héritiers (bien souvent mâles pour être favorisés dans la succession). Éléments que Françoise Héritier étudiera également, et en particulier à propos de la considération de la femme dans ces systèmes et sa valeur de monnaie d’échange en de nombreux systèmes familiaux et sociétaux. Ici, ces mariages sont valables entre hommes et femmes, bien que les mariages puissent répondre à plusieurs types de fonctionnements : définir le mariage avec une seule définition tout en excluant toutes les subtilités de ce rite très important dans de nombreux endroits du monde est utopique. Je ne rentrerai pas dans les fonctionnements patrilinéaires ou matrilinéaires qui peuvent sembler complexes pour un article de cette teneur à destination d’internet. Également, le mariage entre deux personnes du même genre est possible dans les pays ayant passé des lois en ce sens, mais reste ni toléré ni accepté dans de très nombreux endroits du monde encore à l’heure actuelle – sans parler de la pénalisation des relations entre personnes de même sexe et les violences occasionnées envers ces personnes lorsqu’il y a soupçon ou confirmation.

Ainsi, si la femme est placée comme élément majeur de cet échange via le mariage, c’est sans oublier l’intérêt économique qu’elle représente et en particulier lorsqu’elle est épousée avec sa dot qui peut être négociable et qui possède encore aujourd’hui dans de nombreux endroits un rôle majeur dans le choix d’une épouse puisqu’elle va accentuer sa valeur marchande et bien sûr le prestige de sa famille. Elle se fait messagère de sa famille par sa valeur avant le mariage puis messagère et vitrine du prestige de son mari après le mariage. Sans oublier, bien sûr, les biens familiaux auxquels son mari aura accès une fois le mariage effectué ou a posteriori selon les clauses d’héritage locales. Si ces éléments d’échanges et de femmes marchandises hérissent probablement de nombreuses personnes de la société occidentale, il ne faut pas oublier que chez nous cela a été une norme également, avec des mariages de complaisance toujours d’actualité selon les cas. Sans oublier le lévirat, ce mariage où le frère d’un défunt va épouser la femme de son frère pour continuer la lignée de ce dernier et ne pas perdre l’héritage. Ce qui peut, selon les cultures, s’ajouter à une pratique déjà mise en place de la polygamie.

De la veuve exclue à la veuve héritière

Juridiquement, la mort de l’époux n’est pas valable de partout comme la fin du contrat qui unit les deux individus. Si le statut de la veuve a toujours été fort compliqué en termes juridiques et financiers lors de la perte de l’époux, des mesures ont été mises en place pour favoriser leur protection dans de nombreux pays : à condition que l’époux ou le couple ait tout organisé pour que les transmissions de biens soient favorisées et fluides (sans oublier tout ce qui touche aux re-mariages et bien sûr aux fruits de ces unions). Néanmoins, la femme est loin d’être protégée partout dans le monde puisqu’elle devient dans de nombreuses sociétés le mouton noir du cercle social du moment où le mari disparaît. Nous parlons ainsi de la maltraitance des veuves.

Comme mentionné en amont dans cet article, l’épouse représente un intérêt lors du mariage mais son statut n’est en rien définitif puisque dans de nombreuses sociétés et ce, encore en 2020, elle est possession de son mari. Et si elle n’est pas mariée, la femme reste possession de son père ou encore de ses oncles selon les cas. Ainsi, la notion de liberté au féminin est toute relative dans de nombreuses sociétés.

Partant du postulat de son appartenance, elle perd, au moment de la mort de son époux, son statut social. Parfois répudiée par sa famille ou belle famille, elle devient une paria. Une condition qui devient précaire car elle perd aussi leurs ressources et est parfois privée de ce qui lui revient de droit. Le 23 juin de chaque année, les veuves sont mises à l’honneur par les Nations Unies afin d’alerter sur la précarité de leur condition et en particulier dans les pays en développement ou sujets à la guerre voire aux épidémies. Dans les sociétés les plus traditionnelles, elles sont privées de l’héritage et souvent de l’héritage foncier : elles sont alors démunies et parfois trop âgées pour travailler. Certaines tombent ainsi dans la mendicité ou la prostitution. De plus, l’accès à un statut social très bas va s’accentuer par l’obligation de rembourser certaines dettes contractées par leur mari. A cela s’ajoutent des violences diverses qui sont dramatiques et difficile à quantifier, ce qui limite les actions à l’échelle internationale pour réduire ce type de problématiques. La femme ne réintègre pas nécessairement le “marché du célibat” la condamnant à une solitude et une précarité certaine.

Tout en contradiction, le statut de la veuve peut à l’inverse s’avérer intéressant selon certains cas. Au XIXe siècle, l’émergence de veuves héritières est notable, la perte du mari n’est pas toujours synonyme de perte financière et matérielle puisque certaines femmes ont pu hériter des entreprises de leurs défunts époux. En particulier dans le monde du champagne puisque la boisson si exquise a permis, grâce à des héritages, la prise de direction des entreprises par des femmes. On pense par exemple à la Veuve Cliquot, femme d’affaire étonnante pour son époque, mais aussi à toutes ces veuves qui ont tenu les entreprises des petites bulles sur plusieurs périodes, comme dans les maisons Pommery ou Devaux. Le veuvage n’a pas toujours été synonyme de problèmes selon les époques, les endroits et les contextes. Des lois définies, appliquées et applicables peuvent radicalement changer le statut et la protection des veuves. Mais leur mise en application dans des cadres où le veuvage possède des dimensions multiples, tant économiques que symboliques voire mystiques, est complexe.

La mise en danger de la veuve et les violences

Comme alertent les Nations Unies, la condition des veuves est critique dans de très nombreux endroits du monde. Il suffit de quelques recherches d’archives pour constater que ces dernières ont toujours eu une place ambiguë dans la société. Si bien que dans certaines cultures, la femme qui voit son mari disparaître avant elle sera considérée comme une mauvaise épouse qui a été incapable de faire vivre son mari, qu’il soit mort de maladie ou non. Ce qui ajoute un poids social supplémentaire sur la femme qui est déjà en partie précarisée du moment où elle devient veuve. Elles sont ainsi plus exposées à des violences de la part des autres individus autour d’elles mais aussi plus exposées aux violences sexuelles.

En effet, les femmes veuves marginalisées et souvent isolées sont repérées et cataloguées dans les pays les plus pauvres ou en post-conflits. Sans protection aucune et parfois sans domicile fixe, elles sont alors vulnérables aux abus et agressions sexuelles de la part des hommes de leur localité ou de groupes ethniques extérieurs aux leurs. Des cas constatés de façon régulière dans les zones en conflits ou post-conflits comme en Afrique (Rwanda ou Gabon pour n’en citer que deux) mais aussi le Sri-Lanka en Asie pour n’en citer qu’un. Des violences sexuelles qui, selon l’âge des veuves, peuvent donner des situations non désirées comme des grossesses venant aggraver leur précarité. Sans oublier les maladies qui peuvent être contractées à l’issue de ces viols ou encore les mutilations génitales.

Enfin, dans le cas du lévirat, ce dernier peut être considéré comme un mariage forcé puisque pour beaucoup de femmes veuves qui y sont confrontées, ce mariage avec le frère de leur époux leur est bien souvent imposé. La femme et ses enfants sont alors mis face à une situation où leur consentement n’est pas pris en compte et par ce biais, ces femmes sont forcées à avoir des relations sexuelles. Le sororat existe pour les veufs qui vont épouser la sœur de leur femme, comme en Asie du Sud-Est chez les marma du Pakistan Oriental ou chez les sherdupken (Cf Lucien Bernot, Revue française d’anthropologie, 1965, tome 5 “Etudes sur la parenté”). Ces cas peuvent intervenir dans des sociétés matrilatérales pour le sororat.

Autre mise en danger des veuves, c’est tout simplement dans les traditions et rites funéraires qui peuvent accompagner le défunt mari. En effet, si le suicide volontaire ou poussé d’une conjointe lors de la mort du mari reste connu (comme la Sati en Inde, dans la castes des Kshatriya ou chez les Rajpoutes, abolie en 1829 mais qui reste toujours d’actualité de façon sporadique) la mise en danger des veuves reste méconnue. En 2012, un papier rédigé par Immigration and Refugee Board of Canada alerte sur une pratique du Nigeria où les veuves se voient obligées de boire l’eau de lavage du corps de leur mari. Une pratique qui serait toujours en cours dans certains groupes ethniques et relevée plusieurs fois par des observateurs au cours de 2010 – 2020. Ce rite serait en réalité punitif puisqu’il intervient lorsque la femme est soupçonnée par la famille du mari d’avoir tué son époux. Le chef du village (ou toute personnalité religieuse) peut alors demander qu’elle boive cette eau de lavage du corps pour montrer qu’elle n’a pas tué son mari. Une pratique qui possède de réels problèmes d’un point de vue sanitaire dans une région où le climat influe rapidement sur l’état d’un corps qui se déchargera de divers fluides lors de ses premières heures de décomposition et après également. Un refus de pratique qui pourra mettre en danger la femme qui “avouera” aux yeux du clan qu’elle est coupable. Ainsi, elle peut être mise à mort, ainsi que ses enfants, ou tout simplement condamnée à errer loin des siens avec ses enfants, également sans protection. On n’oubliera pas bien sûr au XVIIIe siècle au Tonga ces femmes tatouées suite à un décès et qui devaient effectuer une toilette rituelle funéraire avec tout ce que cela implique comme possible infection du tatouage frais au contact des fluides du défunt. De nombreux cas de pratiques pour les veuves sont ainsi notables au cours de l’histoire les mettant dans des positions sanitaires et sociales critiques.

La veuve : un poids dans de nombreuses sociétés

Dans de nombreuses sociétés, la constitution d’une famille permet d’assurer une sécurité économique et matérielle à la femme et à ses enfants. Lorsque le mari décède, nous avons vu que la femme se retrouve souvent isolée, seule, dépossédée voire ostracisée. Une situation très courante dans plusieurs pays d’Afrique, mais aussi dans un autre pays qui se distingue dans son mauvais traitement des veuves : l’Inde.

En Inde, pays aux coutumes multiples et complexes, les veuves sont automatiquement ostracisées et exclues par leurs propres enfants, qui ne peuvent supporter d’être proche d’une personne qui a tant perdu de son statut social à la mort de son mari. Ainsi, les veuves peuvent choisir les petits travaux, la prostitution ou entrer dans des ashram. Ces ashram permettent de constituer des communautés de veuves qui vont avoir une vie pieuse qui leur permettra également d’éviter les abus et sévices de la rue. Un modèle qui attire également des femmes du Népal et du Bangladesh. Des associations sont nées pour aider et permettre aux veuves d’avoir accès à une vie communautaire et sociale afin de lutter contre l’exclusion. Sulabh International, qui est une association, intervient pour organiser des évènements -comme le Holi- dans les ashram pour ces femmes, malgré leur vœu de renoncement.

National Géographic : La révolte des veuves
National Geographic N°209 le 27 Janvier 2017

Les travaux photographiques autour du sujet du veuvage par Amy Toensing mettent en lumière la vie de différentes veuves dans le monde. Un travail de qualité et qui a du sens. Des travaux comme je les aime pour tout ce qui touche aux arts photographiques. *

La notion de poids dans un groupe social possède plusieurs sens. En effet, dans le cas du veuvage, il y le poids moral de la femme frappée par la mort et marquée par la mort. Il y a le poids parfois de cette femme qui n’a pas su garder son mari en vie. Il y a le poids économique : une bouche de plus à nourrir qui ne peut se nourrir seule sans son mari et sans apport financier. Et enfin le poids pour les enfants qui ne veulent parfois pas prendre en charge leur mère : le poids de la société est plus lourd que ce qui est attendu des valeurs familiales.

Pour prendre un exemple qui me semble intéressant afin d’expliquer l’aspect anthropologique de la “veuve poids” pour son groupe social, il faut se rendre au Vanuatu au XIXe siècle. Dans Archéologie des Nouvelles-Hébrides Contribution à la connaissance des îles du Centre par l’excellent feu-José Garanger (livre que j’ai eu le plaisir de présenter en conférence en 2019), le veuvage revêt un aspect particulier et très parlant. Au XIXe, John Geddie qui était missionnaire explique que les locaux renonçaient :

« à la coutume païenne qui exigeait que les femmes mariées portassent une corde autour du cou pour qu’on les étranglât à la mort de leur mari ». A Tongoa, la veuve était étranglée si elle n’avait pas le courage de se suicider par pendaison.

Garanger, José. Archéologie des Nouvelles-Hébrides (French Edition) Société des Océanistes.

Sans négliger ce qui a été prouvé par l’archéologie sur place, avec l’étude de tombes où certains couples, dans le cadre de mort d’accompagnement d’un chef. L’homme était endormi au Kava, la femme non. Elle n’aura pas le droit à cette douceur mais bien à une inhumation vivante. Inhumation vivante attestée dans plusieurs cas, dont certains veuvages (comme celui des femmes de sorciers). Ce suicide demandé en dehors des morts d’accompagnement, comme le cas suscité à Retoka, était mis en place pour éviter au groupe de subvenir au besoin de la femme seule. Un cas que l’on peut retrouver dans les infanticides du point de vue anthropologique : la mère décède, le bébé peut être tué (cf Groenland fin XIXe-début XXe). Un cas qui peut arriver lors de catastrophes (cf l’éruption du Tambora en Indonésie au XIXe qui a poussé des parents à tuer les enfants pour leur éviter la famine et se soumettant eux-même à l’esclavage pour survivre).

La Sati, tradition indienne.
La Sati – La femme s’immole volontairement dans le bûcher funéraire de son époux.

Le poids est alors multiple lorsqu’une personne ne possède ni protecteur ni aide financière, ce qui explique l’ostracisme des personnes endeuillées et des veuves.

La veuve : sujette aux critiques…mais le veuf aussi !

La société en général porte un regard sur la veuve. Qu’il soit critique ou compatissant, la veuve est toujours sujette à des jugements en lien avec sa condition. Combien de femmes soumises à la moquerie lors de leur veuvage si elles ne portent pas un deuil jugé suffisant par autrui ? Combien de veuves ignorées et ce, en France également, lorsqu’elles perdent leur mari et qu’elles ne sont alors plus conviées à leurs habituelles sorties entre couples d’amis ? La veuve change de statut de façon implicite et cela est toujours visible en France de façon tacite. La veuve fait peur, elle porte une douleur que les autres ne veulent pas porter non plus. Parfois évitée, elle est également sujette à la solitude si elle n’est pas entourée. Lors de son processus de deuil (fait de façon naturelle et inconsciente) et par la suite son travail de deuil (fait de façon consciente), elle devra reprendre son travail, si elle en a un, après ses 3 jours règlementaires d’absence autorisés par la loi dans l’Hexagone. Elle reprend ainsi son travail sous le choc d’une nouvelle qui atteint le stade maximal du stress sur la “Perceived Stress Scale, PSS” du psychologue Sheldon Cohen et ses collègues en 1983. Si la femme ayant perdu son conjoint (tout comme l’homme qui aura perdu sa femme), sera éventuellement ménagée par ses collègues et sa hiérarchie suite à l’annonce, l’oubli de chacun de ce deuil occasionnera des moments parfois gênants face à la personne endeuillée, qui elle est en plein processus ou travail de deuil selon le temps qui s’écoule. Chaque deuil étant différent, il ne peut répondre à une chronologie quantifiée et linéaire applicable à chacun. Le deuil, qui est du domaine privé, caché, tranche radicalement avec le deuil qui était socialement visible il y a encore 70 ans avec justement ce port du deuil. Un port qui rappelait à chacun que la personne était en plein travail autour de la perte. Dans une société où les gens au travail ont peur de montrer une faiblesse, le deuil et la mort sont problématiques et tabous dans le milieu de l’entreprise. Ainsi, une mauvaise compréhension du deuil de la part de patrons ou managers est à mon sens une erreur majeure dans un encadrement d’équipe.

Si je parlais de jugements, je parle également de celui qui touche à l’intime, comme les mises en couple rapides après un deuil qui sont souvent jugées et mal perçues dans certaines sociétés, alors qu’à l’inverse cela est imposé dans d’autres. D’après une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) sur les veufs précoces (- de 35 ans), 5% des femmes endeuillées sont de nouveau en couple un an après le décès de leur partenaire, contre 13% des hommes – étude datant de 2012. Encore une fois, le choix d’être en couple suite à un deuil ne regarde absolument personne à part les endeuillés qui ont le choix ou non, selon leur société et culture, de vivre leur deuil comme bon leur semble et en adéquation avec leur rythme de travail de deuil.

Le veuvage est une étape parcourue par des milliers de gens dans le monde de façon simultanée. Il n’y a pas de honte à avoir ni de tabou lorsque l’on est touché(e) par cette modification de statut au sein de la société. La perte d’un conjoint ou d’une conjointe est une épreuve terrible qui peut selon les personnes prendre des années pour cicatriser. On ne guéri jamais définitivement de la perte de la personne qui partage sa vie, ainsi le travail de deuil est essentiel pour pouvoir avancer dans cette épreuve. N’hésitez pas si cela est trop difficile à en parler avec des personnes attentives et à l’écoute et si cela n’est pas possible et que le deuil est très difficile à surmonter, je conseille comme toujours de contacter un spécialiste pour un suivi afin d’aider. Il n’y a pas de honte à être aidé(e) dans un deuil pour mieux le surmonter.

Sources :

Réflexions personnelles et lectures – des liens sont insérés en corps de texte en supplément des références ci-dessous

Rivière, Claude. “Deuil Et Veuvage Chez Les Evé Du Togo.” Anthropos, vol. 77, no. 3/4, 1982, pp. 461–474. JSTOR, www.jstor.org/stable/40460480. Accessed 23 Oct. 2020.

Privation des rites de veuvage Akus et indignat Résurgence de la problématique matrimoniale de la dot, du mariage et de la sexualité chez les veuves béti camerounaises André WAMBA et Vandelin MGBWA

Gestion des conflits dans le deuil au prisme des négociations, transactions sociales et compromis : le cas du deuil d’un roturier chez les Bamiléké de l’Ouest Cameroun Véronique Matemnago Tonle

Catherine Weinberger-Thomas, Cendres d’immortalité : La crémation des veuves en Inde, Seuil, 1996

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