Les pensionnats autochtones au Canada : enjeux des fouilles de tombes et fosses communes

En 2021, le monde apprend la découverte de deux zones (à l’heure actuelle au 28 Juin 2021) d’inhumation d’enfants natifs au Canada. C’est une question très épineuse qui ressort en même temps que ces découvertes : celle du traitement des enfants natifs et métisses au Canada durant les siècles passés. Ce n’est qu’en 2007 qu’un texte en faveur des peuples autochtones a été voté à l’ONU et qui s’intitule la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cette déclaration précise grâce à des articles, les droits de ces peuples mais également le devoir des états qui possèdent des tribus en leur sol. Ce sujet qui est très connu au Canada l’est beaucoup moins pour un lectorat francophone. Pour des raisons culturelles et historiques, beaucoup de personnes découvrent uniquement en ce moment, suite à ces découvertes, l’existence de ces lieux d’assimilation.

L’article 8 est tout à fait parlant par rapport à l’article de ce jour :

” 1. Les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture. ”

Mais également l’article 12 :

” 1. Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé ; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer ; et le droit au rapatriement de leurs restes humains.

Bien entendu, la création et le vote d’un texte aussi complet sous-entend le fait que ces peuples autochtones et natifs n’ont jamais ou presque bénéficié d’aménagements ou de respect de leurs corps tant de leur vivant que dans leur mort. Concernant le Canada directement, le droit des autochtones est quant à lui complexe car il va changer selon les régions ou encore les dates d’application. Ici la Loi sur les indiens et ici le droit des autochtones.

A l’arrivée des occidentaux : des natifs présents.

A l’arrivée des premiers explorateurs occidentaux puis par la suite lors de l’installation des premiers colons, la présence de natifs n’était pas un fait inconnu. Des groupes d’individus parfois très différents les uns des autres répartis sur une même terre qui s’étend sur les cartes que nous connaissons actuellement. Pour autant, chaque groupe d’individu ne vit pas forcément de la même façon, ne possède pas les mêmes langues ou encore le même fonctionnement et artisanat. On parle de Premières Nations du Canada qui se subdivisent alors par le biais de plusieurs groupes sociaux. Les premières nations du Canada sont définie en six groupes qui vivaient en parfaite adéquation avec leur milieu, les difficultés liées au climat tout en ayant développé des croyances et un véritable monde spirituel pouvant posséder diverses caractéristiques selon les groupes. Ces groupes possédaient par conséquent différents fonctionnement en lien avec leur milieu mais également l’organisation sociale qui les caractérisait chacun. Alors que certains étaient plutôt des chasseurs cueilleurs, d’autres maîtrisaient l’agriculture. Ainsi, les territoires se définissaient soit par les zones de chasse, soit par les zones cultivées. Encore aujourd’hui, beaucoup de personnes tendent à penser que les natifs ne possèdent pas d’organisation sociale. Cela est bien faux et découle directement d’une pensée visant à amenuiser ces dits-peuples possédant une réelle organisation sociale et une hiérarchie parfois sur plusieurs niveaux. Au XIe siècle, l’installation de courte durée viking va marquer un premier contact à l’Est du continent avec des étrangers. Il faudra attendre le XVIe siècle pour un retour massif d’individus venus d’Europe pour le commerce et la découverte de nouvelles ressources. Des ressources sur terre mais également en mer avec tous les épisodes de pêche à la baleine et à la morue. Ce qui aurait pu être de simples échanges commerciaux entre natifs et occidentaux s’est rapidement retrouvé être à l’origine d’affrontement très violents tant entre occidentaux de différents pays qu’entre natifs. C’est ainsi que tout au long de cette présence et encore au XIXe siècle, les rapports entre natifs et colons se sont ponctués de conflits, d’alliances, de cessations de terre et de commerce. Du moment où les colons ont commencé à être plus présents en chiffre que les natifs, l’équilibre s’est trouvé inversé avec de nombreuses pressions pour les terres. Entre 1812 et 1830, la privation de terres laissées aux premières nations s’intensifie pour une occupation par les colons. Bien que des instances aient été créées auparavant pour un bon dialogue entre natifs et colons, ces rapports se retrouvent de plus en plus compliqués dans le temps. Ce début XIXe est alors marqué par un isolement progressif des premières nations toujours contraintes selon les groupes à échanger des marchandises avec les étrangers. Cet isolement stratégique mais initialement pensé pour éloigner les populations des dérives coloniales : alcool, tabac, maladies et sexe. Mais ces mesures se sont avérées inutiles puisque les natifs travaillant auprès de colons dans diverses industries comme celle de la fourrure, se sont retrouvés directement au contact de cette nocivité. Entre enjeux commerciaux, militaires et terres perdues, la condition des natifs se dégrade de plus en plus.

Au XIXe siècle, en Europe et aux États-Unis tout proches, l’idée de la supériorité raciale ayant bien fait son chemin, la considération du natif évolue. Tant sujet de science par le biais de son corps que de ses comportements, il est non plus considéré comme un marchand ou un contact mais bien comme un inférieur. C’est ainsi que débute l’intensification de l’assimilation des natifs par les occidentaux sur place. Pendant 150 ans, diverses lois et projets ont été mis en place pour “civiliser” les locaux. Forcés à abandonner croyance et mode de vie, ce sont divers essais de “civilisation” des natifs qui sont testés. En 1831 ouvre L’Institut Mohawk de Brantfort, en Ontario pour recevoir les enfants de la réserve des Six nations.

Il faut attendre 1883 pour voir émerger de façon plus intense et développée ce qui constitue le cœur des découvertes récentes au Canada : la mise en place de pensionnats avec pour visée la civilisation des enfants. Ces pensionnats appelés aussi pensionnats autochtones avaient pour visée d’annihiler complètement les racines de jeunes voire très jeunes enfants en les isolant de leur groupe social afin d’apporter un ensemble de règles et de croyances nouvelles pour eux.

Ces pensionnats, subventionnés par l’État mais géré par l’Église avaient pour but d’évangéliser et de modeler ces enfants sur un modèle pré-conçu en adéquation avec la pensée des colons installés durablement. L’enfant devait alors intégrer un nouveau modèle et oublier d’où il venait. On peut facilement imaginer que les conditions au XIXe siècle mais également par la suite n’étaient pas au beau fixe. Ce qui aurait pu rester sans témoignages est en réalité fortement corroboré avec des personnes ayant grandit dans ce type de pensionnats. En effet, ces établissements ont existé jusqu’en 1996 pour le dernier. Plus d’un siècle de pensionnats pour enfants avec pour visée l’abandon ferme et définitif de leur existence. Mais la seule visée de l’annihilation ne suffit pas. Si l’intérêt pour des autochtones d’accéder à des savoirs permettant une éventuelle inclusion des plus jeunes au système dominant peut être avancé, cela n’est pas un axe suffisant pour justifier des mauvaises traitements et abus qui ont pu avoir lieu dans ces endroits. En cela, des écoles dites “industrielles” sont aussi créées pour apprendre un métier à ces enfants ou adolescents. Néanmoins, ce qui aurait pu dans les faits être une idée recevable s’est soldée par plus d’un siècle de profond traumatisme pour les personnes concernées et leurs descendants.

Ces pensionnats se sont retrouvés à travers tout le Canada tant dans ses zones anglophones que francophones comme le montre cette carte.

Mauvais traitements et abus

Tout dans le modèle de ces pensionnats et de ces enseignements avait pour vocation de bien installer tous les processus pour cette annihilation. Dès leur entrée dans ces établissements, leur apparence physique était changée par le biais de la coiffure ou des vêtements. Filles et garçons sont alors séparés et il leur est interdit de communiquer dans leur langue d’origine…et ce même avec leurs parents lors de rares échanges épistolaires. Il leur est également interdit de continuer à garder toute trace de leur passé et pratique spirituelle pour endiguer tout syncrétisme. Enfin, un nouveau nom simplifié et d’origine chrétienne est choisie. Chez les peuples natifs du Canada, ce sont souvent plusieurs noms qui sont donnés à un enfant tous en lien avec leur lignée. En supprimant leurs noms, on supprime également ce reste généalogique. Ces enfants qui vivaient en adéquation avec la nature et le climat au fil des saisons se retrouvent ainsi isolés et enfermés dans les habitats en dur et sans aucun repère culturel ou familial. Pour certains, l’interdit de pratiquer leur langue et le fait de devoir apprendre rapidement l’anglais (ou le français) a été une source de très grand stress, tout comme le reste des actions mises en place. Les programmes scolaires étaient complétés par de nombreuses corvées et tâches liées au travail tant pour les garçons que pour les filles.

Ainsi, les 150 000 enfants qui ont fréquenté ces établissements se sont retrouvés sans aucune protection familiale ou de protection de l’enfance. Les raisons de la mort des enfants retrouvés sur les sites des pensionnats demandent des expertises et des recherches pour comprendre également pourquoi ces enfants, n’ont pour certains jamais été mentionnés en archives. L’administration a connu entre 1936 et 1944 la destruction de centaines de milliers de dossiers qui auraient pu apporter des éléments intéressant pour l’enquête menée à propos des pensionnats. D’après un article du Courrier International : ” Quant aux registres sur les décès dans les pensionnats, ils sont partiels : les noms de 36 % des enfants morts n’ont jamais été documentés, le sexe de 23 % des écoliers décédés est inconnu, le lieu de décès de 43 % de ces jeunes n’apparaît pas dans les registres, selon les travaux de la CVR.”

Kamloops, cours de couture. Bibliothèques et archives Canada.
Cross Lake, 1940

Des enseignements ponctués régulièrement par des sévices physiques, psychologiques avec la présence de prédateurs sexuels. Et comme bien souvent, concernant le cas des abus sexuels sur les peuples autochtones en général, rien n’était fait même quand cela était connu et dénoncés dans ces institutions. La question des abus sexuels est toujours très présente au sein des communautés de natifs : souvent isolés et à cause d’un manque de considération ou tout simplement par peur des représailles dans un milieu très fermé, beaucoup de victimes n’osent pas parler et cachent ces agissements. Un fait très courant tant au sein des communautés mais également lorsqu’il y a présence d’extérieurs à proximité (travailleurs, marchands) comme on peut le voir en de nombreux endroits du monde près des groupes de natifs contactés.

Cet ensemble d’éléments a été profondément marquant pour ceux qui l’ont vécu et qui ont survécu. Mais cette violence est aussi intergénérationnelle et ses stigmates se transmettent. Des actions qui ne semblaient pas avoir d’écho positif de la part des enfants ni des adultes avec le doute s’installant petit à petit chez les personnes en charge de l’éducation des plus petits :

“Je ressens de la déception au regard de notre travail. Les indiens ne semblent montrer malheureusement aucune …”
“…valeur de ce que nous essayons de faire pour leurs enfants : et quand les élèves nous quittent après avoir fini leur cursus de 4 ou 5 ans, la tendance dans de nombreux cas est de retourner à leur ancien mode de vie, de parler indien et ne cherchent pas à améliorer leur situation”
Our Indian Home, 17th annual report Singwauk Home for Boys and Wawanosh Home for Girls, 1892

Des enfants qui ne pouvaient que très peu voir leurs parents durant l’année assurant ainsi la cassure recherchée comme cela est souvent cité “tuer l’indien à l’intérieur”. Ici une lettre envoyée à des parents pour une visite exceptionnelle à Noël. Ce qui sous-entend la célébration de cette fête pour des personnes qui initialement ne la fêtent probablement pas.

” Chers parents,
cette année votre grand privilège sera d’avoir votre enfant pour passer Noël à la maison avec vous. Les vacances auront lieu du 18 Décembre au 3 Janvier. Ceci est un privilège qui sera garanti si vous observez les règles suivantes du Département Indien”.

Ainsi, la question des abus ne peut pas être remise en question tant il y a eu de victimes de toutes sortes et à différentes périodes. Certaines étant encore là pour témoigner. Une violence visible à d’autres égards envers les enfants puisqu’entre 1960 et 1980, le gouvernement a mis en place ce qui est connu sous le nom de “Rafle des années 60” en anglais Sixties Scoop. Plus de 20 000 enfants ont été pris de force à leur famille sans consentement. Des actions qui sont rapprochées de divers scandales qui ont pu éclater comme celui des femmes célibataires forcées d’abandonner leur enfant lors de l’après-guerre. Ces ensembles de faits sous entendent également des négligences de la part des employés des services sociaux de l’époque. Ils étaient très peu voire pas du tout formés au contact d’enfants autochtones. Des placements de force étant aussi à l’origine de divers abus commis sur les enfants lors de leur transfert de maisons en maison ou d’établissement en établissement.

Les survivants et survivantes de ces évènements tragiques ont témoigné plusieurs fois devant la Commission de Vérité et de Réconciliation à propos des abus et des mauvaises traitements qui leur ont été faits et ce, même pour les périodes les plus récentes. Bien que les chiffres enfants morts soient encore flous sur le papier, la découverte de petits squelettes près de deux anciens pensionnats au Canada induisent qu’il y a possibilité de retrouver ces corps. C’est tout l’enjeu des recherches qui sont menées sur ce type de sites.

Repérer les corps des enfants

La question des morts dans les pensionnats est une réalité. Bien que de nombreuses absences sont à noter dans les archives concernant les enfants et bien souvent les décès, les corps quant à eux pourront apporter des réponses. Tout d’abord ils pourront permettre, si un jour l’ensemble des pensionnats sont fouillés, d’avoir un chiffre plus précis en tête des morts. D’après J. R Miller, le nombre d’enfants morts lors de l’existence des pensionnats serait compris entre 3200 selon certaines sources à plus de 6000 personnes selon d’autres. Ce qui est un chiffre considérable ! A l’heure actuelle, 751 tombes anonymes ont été découvertes à Manieval et 215 enfants à Kamloops en fosse commune ont été dénombrés. Ce qui fait un nombre conséquent de petits corps répartis en ces deux premiers pensionnats.

On pourrait penser que ces découvertes sont le fruit de hasard à cause de travaux ou encore de sondage. En réalité il n’en n’est rien. Il s’agit de la volonté des représentants des premières nations d’investiguer pour retrouver les victimes de ces pensionnats. La découverte de la fosse à Kamloops a été annoncée par le biais d’un communiqué de presse de Tk’emlúps te Secwépemc (auparavant appelé la Bande indienne de Kamloops). Ce communiqué nous indique la découverte de cette fosse grâce à l’action première du géo radar à pénétration de sol mais également grâce à l’usage de drones. Des techniques approuvées par The Institute of Prairie and Indigenous Archaeology de l’Université d’Alberta. Une façon non invasive avant des fouilles pour repérer les zones potentiellement concernées par des enterrements d’enfants. Une réponse qui est en lien avec l’activisme culturel et politique actuel autochtone qui permet d’élever la voix de ces derniers avec la volonté poussée d’accéder à des enveloppes budgétaires de la part du gouvernement pour fouiller les zones de ces pensionnats et ainsi tenter de rétablir la vérité sur les chiffres hypothétiques en lien avec le nombre de morts.

Edit : le 30 Juin, 182 nouveaux corps ont été annoncés près de Cranbrook.

Pour autant, nous savons que des cimetières ont existé avec des tombes individuelles regroupant tant des sépultures de natifs que des sépultures de personnel. Les fouilles pourraient alors permettre d’en savoir plus sur le fonctionnement des funérailles dans ces institutions.

La fouille des corps et les enjeux de ces fouilles

En Juin 2021, Ottawa annonce qu’un budget de 27 millions de dollars sera attribué pour que les communautés qui souhaitent mettre en place des fouilles et des études puissent le faire. Cette enveloppe permettra pour les populations concernées, à accéder à un ensemble de savoirs-faire pour une expertise archéologique mais également anthropologique. Bien entendu, toutes ces questions éveillent des débats de longue date politique avec différents acteurs de différents bords qui s’affrontent autour de ces questions et de celle des indemnisations.

Cet ensemble de mesures remonte à 2007 avec la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens au sein de la Commission de vérité et réconciliation (CVR). Cette commission a pour but depuis sa création de compiler et répertorier des témoignages en lien avec le vécu dans le pensionnats mais également de récupérer toutes les archives et données nécessaires à la compréhension du sujet. Un ensemble d’action qui a pour but de s’inscrire aussi dans une démarche de sensibilisation autour de ce sujet dont des adultes possèdent encore les séquelles à l’heure actuelle. Sans oublier parmi les enfants décédés, ceux dont la famille, les frères ou sœurs n’ont jamais été informés. Il n’y a rien de plus difficile que de faire un deuil sans corps.

D’après Tabitha Marshall : ” Le 30 septembre 2019, les noms de 2800 enfants morts dans les pensionnats au Canada ont été rendus publics par le Centre national pour la vérité et la réconciliation lors d’une cérémonie à Gatineau, au Québec (voir Commission de vérité et de réconciliation). La cérémonie est l’aboutissement de plusieurs années de recherche dans les archives gouvernementales et ecclésiastiques concernant les enfants autochtones de 80 écoles au pays, dont les documents remontent jusqu’aux années 1890. Selon les archivistes, 1600 autres enfants morts dans les pensionnats n’ont pas été identifiés et les chercheurs continuent de fouiller dans les archives pour découvrir leur identité.”

Pour autant, la fouille de ce type de site répond à des précautions très particulières en lien avec les croyances des natifs mais aussi le fait que l’on parle de sépultures d’enfants. L’enjeu est important sur le terrain et en dehors du terrain. C’est un ensemble d’étapes qui est suivi pour permettre la fouille des pensionnats :

  • Repérer les zones contenant des ossements de façon non invasive
  • Créer des équipes d’anthropologues médico-légaux mais également des légistes.
  • Procéder à une fouille utilisant les méthodes de l’archéologie pour dégager les corps
  • Procéder à des études en lien avec les causes de la mort et si possible les diverses pathologies visibles sur les squelettes
  • Tenter une identification des ossements sur une base ADN après avoir recontacté les familles qui ont pu voir un proche dans le pensionnat
  • Si les identifications fonctionnent, donner une sépulture nominative. Le cas échéant, apporter une sépulture digne aux petits squelettes
  • Mettre à jour les données et les comparer avec les archives pour actualiser le nombre de victimes connues.

L’intervention des anthropologues pour définir les marques éventuelles de stress de croissance, de carence ou de traumas permettra éventuellement de mieux comprendre les maladies et traitements physiques auxquels les enfants ont été confrontés. Bien que de nombreux éléments ne seront potentiellement pas visibles sur les os, des indices sur le traitement des corps selon les périodes et d’éventuelles épidémies au sein de ces milieux clos permettront là aussi de retracer la vie de ces enfants. Il est fort probable que les enveloppes allouées aux recherches aient besoin d’être à nouveau remplie tout au long des expertises.

Inhumer et reconnaître

Pour autant, bien que les natifs soient directement concernés qu’ils aient vécu dans ces pensionnats ou qu’ils aient eu des parents ou proches issus de ces derniers, dans le lot des personnes vivantes on retrouve également les personnes du monde religieux. Religieuses, prêtres, éducateurs, tant de personne qui sont pour certaines encore vivantes. Quand on lit les archives, on réalise bien la pensée qui était alors présente autour de ces pensionnats : l’apport d’une éducation blanche était vue comme un bienfait. C’est en cela également que les sœurs témoignant à l’heure actuelle mais également toutes les personnes ayant été au travail dans ces pensionnats, ne ressentent pas les choses de la même façon que les enfants en totale rupture familiale. L’Enfer est pavé de bonnes intentions, et hormis les personnes ayant participé de façon active ou passive à des abus (en les commettant ou en ne les dénonçant pas), il est fort probable que toutes les personnes travaillant en ces lieux n’aient pas eu la conscience ni le recul nécessaire pour voir le mal. Un mal qui est toujours vivace chez les enfants, les adolescents maintenant devenus adultes qui demandent des comptes tant sur les traitements personnels que sur l’ensemble de cette institution. De même que certaines personnes comme les jeunes religieuses envoyées pour l’éducation des enfants n’aient pas forcément eu conscience des enjeux qui se déroulaient en arrière pensant uniquement éduquer.

Les témoignages, les plaidoiries, les enveloppes financières entrent en jeu pour faire avancer la reconnaissance de ces abus de façon globale. La recherche d’excuses est aussi au cœur des revendications. Un point qui n’est pas évident à obtenir pour les natifs puisque beaucoup de personnes tant au niveau de l’Etat que des divers mouvements religieux qui s’occupaient des pensionnats se renvoient la balle. Pour autant, bien que quelques excuses se soient fait entendre, l’Église catholique n’en a pas fait de pas malgré les 70 % de pensionnats qu’elle gérait tandis que les autres mouvements ayant été en charge d’autres pensionnats se sont manifesté. L’apport d’excuses mais également de négociations financières et de soutien à la reconstruction des victimes est un véritable enjeu dans toute cette affaire. Une affaire qui est certes du domaine du passé, mais qui a de véritables répercussions sur les vivants et survivants.

Il est estimé selon les communautés autochtones qui ont fait leur planning prévisionnel en lien avec les tombes déjà trouvées, que pour mettre en place l’ensemble des actions pour l’étude des zones, il faudrait déjà des années et bien plus d’argent à mesure que les fouilles seront peut-être multipliées. Ce qui annonce d’âpres négociations entre les représentants de natifs et l’État ainsi que ses départements en charge de ce type d’éléments. Cette affaire qui possède un retentissement international assez important rejoint des problématiques en lien avec tout ce qui touche au domaine associé à l’anthropologie humanitaire et par extension à la fouille de charniers – bien que tous les corps actuellement des autochtones ne soient pas dans des fosses communes, certains sont en fosse individuelle.

Bien que les personnes à l’origine de ces pensionnats soient mortes depuis longtemps, celles qui ont connu les phases les plus récentes sont probablement toujours en vie. Comme pour toutes les questions en lien avec la colonisation ou le traitement des natifs sur un territoire, ici le but est de reconnaître et de faire avancer ces recherches scientifiques pour permettre le deuil de ces enfants et pour permettre également de soulager les vivants et apporter des solutions dans leur reconstruction. Le haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a demandé au Canada et au Vatican d’enquêter sur cette affaire et de traduire en justice les responsables s’ils sont encore en vie. On constate que les revendications des natifs existent depuis longue date en lien avec les pensionnats. La découverte des corps est un élément supplémentaire pour étayer une enquête plus globale autour du traitement des enfants autochtones et pour leur donner, à terme, une sépulture décente. Il est d’ailleurs presque certain que le cas Canadien soit transposé chez son voisin américain sous peu.

Juliette Cazes

Sources :

Montminy, L., Brassard, R., Jaccoud, M., Harper, E., Bousquet, M.-P. & Leroux, S. (2010). Pour une meilleure compréhension des particularités de la violence familiale vécue par les femmes autochtones au Canada. Nouvelles pratiques sociales, 23(1), 53–66. https://doi.org/10.7202/1003167ar
Marshall, Tabitha. “​Convention de règlement relative aux pensionnats indiens”. l’Encyclopédie Canadienne, 16 janvier 2020, Historica Canada. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/convention-de-reglement-relative-aux-pensionnats-indiens.
Moran, Ry. “Commission de vérité et réconciliation du Canada”. l’Encyclopédie Canadienne, 05 octobre 2020, Historica Canada. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/commission-de-verite-et-reconciliation-du-canada.
https://www.canadiana.ca/view/oocihm.8_01113_6/3?r=0&s=3
Bennett, Marilyn. “First Nations Fact Sheet: A General Profile on First Nations Child Welfare in Canada.” First Nations Child and Family Caring Society of Canada.
Mandell, Deena, et al. “Chapter Three: Aboriginal Child Welfare.” In Cameron, Gary, Nick Coady, and Gerald R. Adams, eds. Moving Toward Positive Systems of Child and Family Welfare: Current Issues and Future Directions.  Waterloo: Wilfrid Laurier University Press, 2007.
Sinclair, Raven. 2007. “Identity lost and found: Lessons from the sixties scoop.” First Peoples Child and Family Review. 3.1 (2007):
Walmsley, Christopher. Protecting Aboriginal Children.  Vancouver: University of British Columbia Press, 2005.
Mandell, Deena, et al. “Chapter Three: Aboriginal Child Welfare.” In Cameron, Gary, Nick Coady, and Gerald R. Adams, eds. Moving Toward Positive Systems of Child and Family Welfare: Current Issues and Future Directions.  Waterloo: Wilfrid Laurier University Press, 2007.
Philp, Margaret. “The Land of Lost Children.” The Globe and Mail. 21 December 2002
Kimelman, Edwin C. No quiet place: final report to the Honourable Muriel Smith, Minister of Community Services / Review Committee on Indian and Métis Adoptions and Placements . Manitoba: Review Committee on Indian and Métis Adoptions and Placements, 1983.
Commission de vérité et réconciliation (CVR)
https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1307460755710/1536862806124#chp1
https://www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/patrimoine-autochtone/Pages/introduction.aspx

Translate »
error: Ces données sont protégées.