“Il n’y a plus de rites funéraires en France” : ce n’est pas ce que vous croyez.

Un article dédié aux rites funéraires, aux toilettes funéraires et à une meilleure formation des futurs professionnels de la mort autour des rites à lire ci-dessous, ou à écouter ici ou sur mon podcast Le Bizarreum sur votre plateforme préférée.

Une genèse.

Il y a 14 ans de cela, je commençais à m’intéresser aux questions mortuaires et funéraires au sein de mes études. En particulier aux rites funéraires. Si ces premières approches ont été archéologiques, elles concernaient majoritairement des peuples anciens. La distanciation et parfois le peu d’éléments tangibles rendent le travail sur les gestes autour des morts plutôt complexe, il faut le dire, avec à la clé beaucoup d’interprétations pour certaines périodes. Des interprétations qui s’avèrent aussi glissantes lorsque l’on manque de sources écrites. En étudiant l’anthropologie, cela a été en parallèle un déclencheur pour moi afin d’envisager une meilleure compréhension des rites, qu’ils soient contemporains ou plus anciens. L’ensemble de ces deux disciplines m’ont menée au fil du temps à une thanatologie tant théorique que de terrain.

Au fil des ans et des voyages pour découvrir diverses cultures, je sentais qu’il me manquait quelque chose dans mon approche de la mort en restant dans le cadre de l’archéologie et de l’anthropologie. Ceux que j’appelle avec affection “les vieux morts” en archéologie me retenaient bien trop dans mon apprentissage et dans ma réflexion globale autour du monde funéraire. J’avais besoin, dans mon travail et dans mes pensées au fil des ans, de m’inscrire dans le réel, et de comprendre ce qu’il se passait chez moi en France à l’heure actuelle. C’est ainsi qu’en 2020 j’ai basculé des “vieux morts” aux “nouveaux morts” en quelques sortes, en me formant aux métiers du funéraire. J’avais bien et mal choisie ma période, car j’étais une main d’œuvre nécessaire lors de l’épisode épidémique que nous avons connu, et je me retrouvais malgré moi face à des gens privés de rites funéraires. Et comme mes collègues ainsi que les familles, chacun était à sa façon démuni. Les uns par manque de directives, les autres par manque de rite. Un fait inédit au regard de la situation funéraire habituelle dans mon pays, et de façon plus générale dans beaucoup de pays du monde. Un moment clé également, car de là se sont posées de nombreuses questions autour des rites dans la société. Les questionnements sur la Mort étaient à nouveau au goût du jour, preuve en est le nombre de médias, de reconversions professionnelles et d’émergence d’innovations funéraires (pour le meilleur et pour le pire).

En parallèle, dans le cadre de mon travail de recherches, on me posait toujours la même question lorsque j’étais interviewée : “Pourquoi il n’y a pas/plus de rites en France ? Pourquoi avons-nous perdu notre rapport à la mort?“. A ces questions, il y avait toujours le regard historique mais aussi pratique en réponse. La médicalisation de la mort, le XXe siècle durement touché par la mort à grande échelle que ce soit à cause des guerres ou des épidémies meurtrières, le peu de temps accordé dans notre société actuelle au deuil, le problème de la rentabilité dans un monde où il faut retourner travailler rapidement alors que l’on souffre. Et bien d’autres raisons encore. Mais, dire qu’il n’y a plus de rites en France est un poncif récurent que l’on retrouve à toutes les sauces. Cela fait une bonne accroche littéraire ou journalistique disons-le. D’ailleurs, cette idée me rendait toujours sceptique, sans vraiment réussir à mettre le doigt dessus. Il me fallait réellement aller sur le terrain pour me rendre compte qu’il y bel et bien encore des rites en France. Cette idée de l’absence de rites, est une conclusion qui émane à mon sens d’une mauvaise connaissance du monde funéraire cosmopolite existant en France métropolitaine et en territoires ultramarins. Les rites sont encore bien vivants chez nous, mais tout le monde ne s’y retrouve pas forcément. D’où cette sensation pour beaucoup de ne pas se reconnaître dans les rites existants. Par conséquent, la sensation de disparition des rites montre aussi une forme de manque pour de nombreuses personnes. Chose à laquelle le rituel peut répondre. Mais, il n’est pas exact d’affirmer que les rites funéraires n’existent plus.

 

L’axe qui m’a particulièrement intéressée en travaillant ces dernières années et jusqu’il y a peu en chambre funéraire, se concentrait principalement sur ces questions de rite lorsqu’elles touchent le traitement des corps morts. J’ai moi-même accueilli et préparé les corps ces dernières années, tout en travaillant avec des professionnels religieux ou non religieux présents pour s’occuper des défunts également. Dans une chambre funéraire de grande taille et de grande ville, cela était un terrain de recherche et de travail particulièrement intéressant, puisque j’avais bien plus d’admissions de corps que lorsque j’ai pu travailler en zone rurale. Et bien plus de diversité. C’est là que j’ai vraiment pu observer une part des rites en France lors de la préparation des défunts, mais pas que, qui me font dire que les rites sont loin d’être disparus.

 
 

A l'origine : une mauvaise connaissance des rites funéraires actuels

Un modèle standardisé

En 2020, lorsque j’ai passé mon diplôme de conseiller funéraire et maître de cérémonie, j’ai suivi comme de nombreux élèves des cours obligatoires dans le cadre de ma formation. La profession étant encadrée par un diplôme national, l’enseignement et les révisions sont primordiales pour réussir afin de décrocher le précieux sésame. Bien que l’école que j’ai pu choisir nous a dispensé des cours extrêmement intéressants, j’attendais avec impatience la partie sur les rites funéraires puisqu’elle compose mon cœur de recherche depuis longtemps. Et face à la montagne de connaissances juridiques à avoir, ou encore de sécurité et d’hygiène, cette partie des rites est restée à mon goût relativement succincte.  C’était aussi celle qui intéressait le moins certains de mes collègues, car elle était exigeante en termes de connaissances religieuses ou historiques. Et pour beaucoup, cela est rébarbatif, car tout le monde n’a pas ce type d’approche dans son socle éducatif. Ni une appétence pour cela. On ne peut blâmer personne.  Et c’est en comparant avec le programme d’autres écoles funéraires par la suite avec mes amis,  que j’ai réalisé que la partie des rites était bien souvent survolée. Cela est à mon sens préjudiciable, surtout quand on est professionnel. En effet, sur le terrain, je me suis rendue compte que beaucoup de collègues à divers postes, en particulier en conseil funéraire, se trouvaient démunis lorsque leurs clients ne répondaient pas au schéma classique de la toilette simple, ou encore soins de thanatopraxie/visites/cérémonie/enterrement ou crémation. En clair, c’était le saut dans le vide pour certains lorsqu’un défunt était d’une confession particulière, avec des rites particuliers. Encore plus avec ces éléments précédent un rapatriement de corps ou des obligations de soins de conservation.

On ne peut encore une fois pas blâmer les gens pour cela. Mais la France est extrêmement riche en cultures et en pratiques diverses (et même syncrétiques là où une religion est teintée de pratiques culturelles variées). Il devenait évident pour moi que le manque de connaissance des rites pouvait avoir une grande incidence sur la prise en charge des morts, en particulier lorsque cette prise en charge n’était pas faite par des pompes funèbres spécialisées dans le dit-rite. Et par méconnaissance ou manque de curiosité, on peut passer à côté des besoins des familles. Un simple geste ou une simple parole montrant que l’on s’intéresse à d’autres cultures que la sienne peut énormément débloquer une situation compliquée. Cela est même valable avec des personnes n’ayant pas de langue en commun avec nous lorsque nous les accueillons en chambre funéraire.

Bien que certaines pompes funèbres se spécialisent dans leur rite ou communauté, elles travaillent bien souvent avec les chambres funéraires polycultes où elles utilisent le matériel sur place afin de mener à bien leurs gestes techniques. Par conséquent, le lien entre spécialistes d’un rite (toiletteur, famille qui participe aux étapes de préparation du mort, religieux) et professionnels du funéraire “classiques” s’avère constant dans les zones techniques de ces établissements. C’est probablement un des seuls cadres où religieux et non religieux se rencontrent pour travailler ensemble au bon départ d’un défunt. Ainsi, dire qu’il n’y a pas de rites en France est à mon sens faux : c’est qu’une partie importante de la population ne se reconnaît pas dans ce qui existe. Dire qu’il n’y a plus de rite est aussi d’une certaine façon ethnocentré, et le monde funéraire actuel est principalement présenté au public dans un modèle très pré-conçu qui exclu beaucoup de rites. C’est ainsi que la plupart des gens du grand public pensent que la préparation des corps ne se fait que par le côté technique de la thanatopraxie par exemple. Mais beaucoup ignorent qu’il y a encore des pratiques ritualisées pour traiter les corps morts et que le panel de possibilité est bien plus large.

Ce sont par conséquent des pratiques traditionnelles et religieuses qui s’inscrivent dans un milieu funéraire qui les connaît globalement mal. Pourtant, s’y intéresser permet de rendre les interactions professionnelles bien plus fluides à tous les niveaux, tant techniquement qu’avec les familles.

Des univers funéraires cloisonnés

S’ouvrir aux autres pratiques funéraires dans son pays

En pratique, le rapport entre les acteurs du monde funéraire traditionnel et religieux versus le monde funéraire tel qu’il est aujourd’hui ne facilite pas la rencontre. Il n’y a pas réellement d’endroits à part en chambre funéraire ou mortuaire où ils peuvent se rencontrer. Peut-être lorsqu’ils sous-traitent un transport de corps à une autre entreprise.  En ont-ils la nécessité en dehors de cela ? En réalité les rapports sont bien plus fréquents dans les faits qu’en théorie. Il m’est arrivé souvent d’entendre des élèves en pompes funèbres me dire que leurs chances de rencontrer des clients religieux musulmans ou juifs resteraient rares, car ces derniers vont dans des entreprises spécialisées. C’est un discours que l’on peut entendre en école d’ailleurs.  Certes, cela est une réalité, mais cela n’exclue pas qu’un jour ces conseillers funéraires en devenir ne soient pas confrontés au fait de travailler avec des personnes issues d’une culture qu’ils ne connaissent pas, et dont ils ignorent les rites. Parce qu’ils auront besoin de toiletteurs spécialisés, parce que ils réaliseront que les recueillements n’ont rien à voir avec les cérémonies qu’ils ont l’habitude d’organiser. En bref, une bonne connaissance des rites et de leurs acteurs permet aussi d’avoir un regard bien plus large sur le monde funéraire. Et surtout bien plus riche. Néanmoins, l’approche avec les professionnels des rites n’est pas toujours simple pour celles et ceux qui s’y intéressent. D’une part, parce que le traitement religieux et rituel des morts est entouré de secrets. Non pas des secrets volontaires (même si cela arrive), mais des choses difficilement compréhensibles pour celles et ceux qui n’ont pas les références religieuses ou culturelles. Cela est particulièrement visible dans le traitement des corps. Un acte qui n’est pas ritualisé pour de nombreuses personnes en France, mais qui l’est toujours pour une bonne partie de la population. Ce qui me pousse aussi à réfléchir aux façons de mieux faire dialoguer toutes ces personnes pour une meilleure compréhension de la diversité qu’il existe au sein du monde funéraire. D’expérience, si vous êtes bien intentionnés et que vous respectez vos interlocuteurs, vous avez davantage de chances que l’on vous explique des choses qui sortent de votre système de compréhension. C’est valable lorsque j’ai pu assister à des enterrements à l’étranger, ou que je souhaitais en savoir plus sur les pratiques des toiletteurs et toiletteuses religieux dans mon travail. Mais j’ai aussi accepté d’être mise à l’écart lors de certaines pratiques, où le sacré et le profane ne peuvent être mélangés, et où ma présence d’ordre technique n’était pas nécessaire. Le monde des rites est avant tout un monde silencieux en termes de transmission, puisque le rite par essence rassemble des gens qui le comprennent et qui s’y retrouvent grâce à leur éducation ou à leur culture et donc par leur communauté. Ce cloisonnement était visible pour moi également dans le monde funéraire commercial. A plusieurs reprises, j’ai trouvé que les salons professionnels funéraires n’étaient pas très diversifiés. Si certaines associations peuvent parfois s’y présenter, l’offre est très pauvre pour les professionnels qui nécessitent de conduire des rites avec du matériel particulier. La question de la neutralité en termes pratiques se pose aussi. Mais il est important de rappeler que notre pays permet à chacun d’exercer ses pratiques religieuses et donc funéraires du moment qu’elles sont en adéquation avec le cadre de la loi. Dans le monde des morts c’est pareil, et tout le monde doit pouvoir répondre à la chose la plus importante du droit funéraire : respecter la dernière volonté des défunts. Qu’ils aient une mort ritualisée ou non.

Présent et passé : le monde du silence des rites funéraires

Des gestes invisibles

La plupart du temps, le rite s’exprime alors que les vivants se rassemblent autour du mort. Cela est une certitude, et les notions de rites et de rituels ne doivent pas être mélangées. Surtout lorsque le rite est en réalité un ensemble de codes explicites et tacites connu d’un groupe qui peut culturellement s’y raccrocher. Lorsque je travaille sur les rites, je m’intéresse à ces codes. En tant qu’individu extérieur aux pratiques d’une communauté, il y a aussi des codes qui ne me sont pas connus ni explicités car je ne rentre pas dans le cadre de celles et ceux qui ont le droit d’avoir l’information. C’est aussi cela d’accepter que les gens qui délivrent une information sur le terrain à propos de leurs pratiques ne souhaitent pas nécessairement tout partager au profane.

L’invisibilité du monde secret de la préparation des corps est une question de respect, de pudeur, de prudence également et bien entendu de confidentialité. Ce qui sous entend également la notion de la formation, de la transmission : la tâche avec les défunts, même par les bénévoles religieux sous entend une formation adéquate qui leur est apportée. L’invisible permet aussi de garder une distanciation mais aussi de rester garant du bien être des individus lorsqu’ils sont vulnérables. Le secret et le silence sont des vertus que l’on retrouve dans de nombreuses missions religieuses liées à la toilette des morts. Taire le secret de ce que l’on voit, garantir la dignité de cette fin physique. Cela est valable pour les actes de toilette non ritualisés.

Des questions sur le passé

Dédiée principalement à la préparation des corps ces derniers temps, j’ai pu bien souvent transposer mes gestes du quotidien aux gestes du passé finalement. Un corps n’a pas réellement changé en quelques milliers d’années, et les gestes techniques se heurtent aux mêmes problématiques, même si dorénavant certains outils mécanisés nous aident au quotidien. Il faut dire qu’en archéologie, une préparation simple de corps n’est pas réellement visible sur les corps à l’état de squelette. On peut les supposer, les imaginer, en particulier lorsque les sources écrites vont en ce sens. Néanmoins, pour les peuples n’écrivant pas, les questions se posent toujours. Bien entendu, ils sont manifestes lorsque l’on est en présence d’une conservation volontaire poussée. Il est vrai que nous-même, professionnels, nous ne laissons presque aucune trace de notre passage. Même une ligature de bouche actuelle ne serait plus visible dans quelques milliers d’années : le fil en fibre naturelle qui nous sert à tenir la mandibule disparaîtrait, et le coton de mèchage dans les orifices également. Personne ne saurait pas conséquent qu’une personne a bien effectué une toilette au mort. Car la simple position du corps ne saurait nécessairement le supposer puisque les mains peuvent tout à fait être repositionnées au moment de la mise en bière par un autre intervenant. Un indice pourrait néanmoins supposer un traitement particulier, un élément légèrement explicité par Lola Bonnabel dans Archéologie de la mort en France. C’est la présence en contexte archéologique de trace du bol fécal. En effet, de façon très courante, les défunts lors de leur premier transport, par exemple du lieu de leur mort à leur lieu de séjour jusqu’à leurs funérailles peuvent expulser ce dit bol fécal. Il s’agit des matières fécales qui auraient dû être expulsées du vivant de la personne dans peu de temps. Autrement dit, aller aux toilettes. Cet élément là, en particulier les parasites intestinaux  permettraient de savoir si le mort a été vidé ou non au cours d’une toilette. Car c’est bien un geste qui est fait lors des toilettes religieuses à grandes eaux pour purifier. Pour autant, le prélèvement sur site archéologique pour ces éléments n’est pas automatique puisqu’il nécessite des équipements et précautions accrus.

En réalité, c’est bien la différence entre la question du funéraire et du mortuaire qui se pose lorsque l’on aborde le traitement du corps. La toilette d’un mort n’est plus couplée à une pratique ritualisée. C’est un acte qui peut être refusé par exemple, il est tout à fait possible que des morts partent sans aucune toilette ni soin d’ailleurs. Cela arrive par choix de la part des défunts de leur vivant, ou malheureusement lorsque les communes qui prennent en charge les morts sans familles ne choisissent pas de leur payer une toilette funéraire. On le voit, la toilette lorsqu’elle est effectuée sans vocation religieuse n’est pas orchestrée par des gestes liés aux rites, mais uniquement par des gestes effectués dans leur vocation technique.

L'expression du rite dans la toilette du mort

La toilette du mort comme moment clé

A l’heure actuelle, les personnes qui ne se sentent pas liées à une pratique religieuse ne savent pas nécessairement à quel point la préparation du corps revêt une importance particulière pour certains. En effet, dans un monde funéraire en France où les gens sont au fait de la pratique de la toilette funéraire ou du soin de thanatopraxie (les deux dénués de portée sacrée ou religieuse), il y a pourtant une forte expression du rite pour de nombreuses personnes en France lors de ce dernier lavage. L’organisation de ces gestes est précises, en lien avec les textes religieux des religions concernées. Ce cas de figure est principalement visible chez les musulmans et chez les juifs qui pratiquent une toilette ritualisée à grandes eaux (ou à sec si le corps ne le permet pas). Néanmoins, bien que d’autres religions n’exigent pas de rites lors de la préparation du corps, j’ai pu lors de mes expériences professionnelles ouvrir la porte du laboratoire à des religieux catholiques venus pour réaliser quelques gestes et récitations en amont de la toilette.

Et il est même possible de voir non pas du rite, mais du rituel comme lorsque les soignants pratiquent une première toilette en vue du départ d’un défunt de leur établissement comme le souligne Jean-Marie Gueullette. Ainsi, lorsque l’on parle de rite funéraire, la temporalité peut être plus ou moins longue selon les cultures et les endroits du monde. Les rites peuvent aussi être contrariés par les lois, par exemple, en France il y a des délais légaux pour opérer les funérailles. Tandis que dans d’autres pays ou culture, les funérailles doivent être effectuées en très peu de temps. Ainsi, le rite doit s’adapter et en partie se transformer au gré des lois. Ce qui est réalisable, puisque les toilettes dites cultuelles se pratiquent à grandes eaux, ce qui, avec le matériel adapté en laboratoire de chambre funéraire ou mortuaire, ne doit pas empêcher le travail traditionnel et le travail dénué de rite des autres acteurs du funéraire. En effet, le thanatopracteur ne travaille pas de la même façon que l’agent de chambre qui fait sa toilette, et les deux ne travaillent pas comme les toiletteurs cultuels. Pourtant, tous doivent se succéder dans les mêmes espaces techniques à tour de rôle. D’ailleurs, la présence majeure de l’eau purificatrice pour les toilettes cultuelles revêt une importance très forte dans la bonne exécution de la toilette. Là où le thanatopracteur ou l’agent ne travailleront que très rarement à grandes eaux, ces dernières sont omniprésentes chez les musulmans et  les juifs. Les corps doivent rester intacts et la pudeur des défunts également. Ainsi, les gestes sont adaptés, les méthodes également pour mener à bien ces toilettes qui s’inscrivent dans le rite. Ici, tout est codifié et possède une portée religieuse.

Distinguer rite et rituel.

C’est ici qu’il est important de distinguer le rite où plusieurs personnes se retrouvent autour de croyances et de gestes communs à leur communauté, et le rituel qui peut prendre une dimension plus personnelle et pas forcément religieuse ou sacrée. En anthropologie (et dans d’autres sciences humaines), la définition de rite et de rituel est une des plus complexes à aborder puisque ce débat a donné lieu à une bibliographie colossale sur le sujet. On peut même dire qu’il n’y a pas de consensus fixe sur les définitions exactes de ces termes. Néanmoins, on observe que le rite qui s’inscrit dans une communauté ayant les mêmes codes, a un sens compris de tous, il rassemble et fédère autour d’un évènement. Il permet de mieux passer certains cap qui touchent un groupe humain, et typiquement, la mort est un des moments clé où le rite a une fonction aussi de régulation des rapports et de renforcement des liens.  La notion de rituel quant à elle varie selon les disciplines, mais on n’est pas nécessairement dans une démarche collective, le rituel peut être tout à fait personnel et compris que par une personne qui va s’y rattacher. D’où l’importance de ne pas chercher à renouveler les rites dans une société individualiste, mais plutôt penser à créer une ritualisation propre à chacun qui peut soulager, comme par exemple lors d’un deuil. Par conséquent, la distinction entre le rite et le rituel serait mieux utilisée si les professionnels et aspirants professionnels du monde des morts s’intéressaient à la nature même de ces deux concepts. Ce qui, pour ce dernier point de l’article nous mène vers les avantages d’une meilleure formation aux rites au sein des pompes funèbres.

Les atouts d'une meilleure formation aux rites dans le monde funéraire

 

Bien que, comme nous l’ayons vu, la question des rites soit abordée en formation funéraire, l’amplitude horaire et la masse de connaissance juridiques à acquérir n’offrent pas de temps suffisant pour bien approfondir les rites. De plus, certains professionnels et élèves n’y voient pas d’intérêt. Pourtant nous l’avons vu là également, un professionnel connaisseur de son milieu  est un meilleur accompagnant pour les familles. Et la bonne connaissance des rites est un fondamental à mon sens. Voici une liste d’arguments en faveur d’un approfondissement de la connaissance des rites dans le monde funéraire : 

 

  • Apporter une ouverture d’esprit aux futurs professionnels face à un monde aux cultures multiples.
  • Leur permettre d’avoir des clés pour gérer des funérailles qui sortent de leurs habitudes.
  • Permettre un meilleur accueil des familles en connaissant ce qui est important pour elles.
  • Contribuer à un meilleur départ religieux ou spirituel des défunts pour les vivants qui y assistent.
  • Interroger sa notion de dignité et de sacré
  • Initier un dialogue et un intérêt pour les professionnels religieux qui prennent en charge les corps comme les bénévoles de la Hevra Kaddicha pour les juifs et les laveurs pour les musulmans. Mais aussi toute personne qui a besoin d’être présente pour accompagner le corps.
  • Eviter les impairs culturels qui casseraient la confiance
  • Mieux aménager les espaces dédiés aux familles mais également aux professionnels.
  • Permettre aux professionnels du funéraire de mieux comprendre l’enjeu de leur travail dans l’accompagnement de chacun.
  • Ouvrir un dialogue et rendre les professionnels de la mort plus pointus du côté conseiller, mais également du côté technique.
  • Avoir un meilleur argumentaire en lien avec les choses réalisables ou non dans le cadre de funérailles.
  • Comprendre que sa vision n’est pas universelle, permettre d’évoluer vers une vision moins ethnocentrée de la mort.

Je reste convaincue, par mon travail empirique mais également de terrain en chambre funéraire que cet approfondissement théorique et pratique est nécessaire pour rendre les gens plus aptes à des situations auxquelles ils ne sont pas préparés à l’école. Le retour de familles dont on a compris les rites et pour qui on a donné le maximum est un grand privilège, encore plus lorsque cette culture n’est pas la notre.

 

Ainsi, je ne peux concevoir que ce poncif des rites qui n’existent plus ait autant la côte. C’est quelque chose à repenser et à remettre en question. Je suis convaincue qu’une meilleure connaissance des rites est un bienfait dans les métiers du funéraire.

 Et une fois n’est pas coutume, je propose mes prestations de conseil et de formation puisque les rites représentent la majorité de mon travail, et j’offre aux professionnels la possibilité de faire appel à moi en conseil, audit et bien entendu enseignement autour de ces sujets.

Juliette

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